lundi 22 octobre 2012

deuils et funérailles


On ne porte plus aujourd’hui comme jadis le grand deuil et le demi-deuil suivant une codification précise et mesurée dans le temps. C’est fort regrettable, cela permettait à la fois de vivre son chagrin et de ne pas commettre d’impair. La délicatesse et l’élégance nous impose malgré tout retenue, mesure et manifestation extérieure. Pour un parent ou allié au premier degré, l’affection, ou la simple décence, nous oblige à ne porter aucun parfum entre l’annonce du décès et les funérailles : le temps du deuil est celui du chagrin et non de la coquetterie.

Les funérailles passée, on veillera à revenir à la vie normale en respectant une certaine gradation. Pour les premiers parfumages, je conseille l’austérité de la Gentiane Blanche d’Hermès, ou des soliflores modestes et point trop joyeux (et encore moins sensuels !) : Bluebell, la jacinthe de Penhaligon’s ou l’Infusion d’Iris de Prada qui joue si bien les présentes en toute discrétion.

En ce qui concerne les veuves, il serait bon de ne pas donner l’impression d’être à la chasse au mari en arborant des parfums de vamps ou de vouloir jouer les ingénues en portant des fruités girly. De même que les divorcées, il faut assumer son passé, qu’il soit ou non agréable. Je trouve personnellement que l’élégance d’un chypre classique peut convenir mais que l’austérité altière d’un boisé sera d’un plus bel effet. Féminité du Bois ou sa variante Bois et Violettes (Serge Lutens) me semblent des choix très sûrs, affirmés, faussement sévères tout en étant extrêmement séduisants et élégant. (Vous êtes veuves, pas nonnes !)

Illustration: portrait de Diane de Poitier qui incarna, veuve, l'élégance et la séduction à la cour de France.

samedi 20 octobre 2012

petit plaisir quotidien


Je suppose que l’idée était un savon « à l’ancienne » mais le résultat est un hommage aux aldéhydés. (Savonneux, poudreux avec un rien de citron)En me lavant les mains, je me suis penché pour sentir : l’impression de me pencher pour embrasser la nuque d’une élégante en Calèche ou en Calandre…

Un moment très agréable, pas cher. Depuis, je me lave les mains pour le plaisir. Chance, la crème assortie fait la peau douce et sent aussi très bon.

Crème lavante mains lait Bonne Mère, l’Occitane, 11€

mercredi 17 octobre 2012

Œillet préraphaélite



L’Air du temps est un bouquet épicé dominé par l’œillet, mis en valeur par quelques aldéhydes à effet « laque Elnett », et soutenu par un fond boisé qui reste discret. C’est incontestablement vrai, mais terriblement réducteur. C’est un classique en dépit de son nom, hors du temps dont je me plais à penser qu’il n’a jamais appartenu à l’une ou l’autre époque. 
L’Air du Temps est une transparente mousseline de soie qui s’enroule autour de moi sans jamais se faire pesant. Linéaire et simple, le romantisme sage du parfum crée une aura apaisée et pourtant un peu triste, pensive à la manière d’un portrait préraphaélite. Je l’imagine volontiers sur Jane Burden.


L’Air du Temps, Francis Fabron pour Nina Ricci, 1948


La version actuelle reste une jolie senteur, un peu plate, mais n’a plus grand-chose à voir avec le parfum d’origine. La législation rendant impensable un vrai œillet, il faut, hélas, faire son deuil de l’air du temps.

mercredi 10 octobre 2012

Cartier voit la vie en rose


Déclaration d’un soir a des liens évidents avec Déclaration : un fond boisé, le cumin qui le traverse, ce même effet chaud/froid. (ou propre/sale) À la place d’un thé Earl Grey, une rose, timide, en bouton, qui s’épanouit joliment, délicatement. C’est fin, ciselé et je ne peux m’empêcher de penser que Mathilde Laurent a voulu donner un cavalier à la jeune femme Baiser Volé donnant à la ligne grand public de Cartier une direction dont elle manquait peut-être, celle d’un romantisme délicat.

La succession de Nina Ricci, maison reine du genre avec son Air du Temps, était à reprendre depuis que Ricci se vautre dorénavant dans le sucraillon. Le pari est un peu risqué, un peu déphasé par rapport à notre époque, mais c’est si joliment réalisé (si on met de côté l’insipide Cartier de Lune) que je ne peux qu’aimer sans pour autant avoir envie de porter : j’ai passé l’âge de rêvasser devant les posters de David Hamilton. Pourtant, je n’irais pas traiter ce « Déclaration d’un soir » de mièvre : il est tendre, délicat, plus intéressant, finalement, que sa cavalière, juste un peu sage, un peu trop retenu.

Cartier est donc l’une des marques à suivre, prometteuses, de celles qui pourraient devenir les grandes classiques de demain puisque les marques de parfums plus anciennes ne semblent plus capables que de suivre les tendances en dupliquant, à grand renfort d’égéries, les patchoufruits à l’infini. Avis perso, mais je trouve les masculins Cartier plus intéressants que les féminins et pour une fois j’invite les filles à se servir au rayons garçon. Ça change !

Déclaration d’un soir, Mathilde Laurent pour Cartier, 2012.

Nuit blanche pour Une Voix Noire


Par Nez-Lik, votre conseillère Bon goût & Art de vivre



Pour son dernier-né dans la collection exclusive, Serge Lutens se serait inspiré de Billie Holiday, qui avait pris l’habitude de disposer dans sa coiffure des fleurs de gardénia.
Cette fleur blanche opulente, avec ses accents « mat », vert, champignon / gazoline, constitue le point de départ de la fragrance qui se révèle très évolutive et très différente selon la peau qui la porte.

Certaines laissent exprimer des facettes boisées sombres, ou bien développent la note verte / champignon, me rappelant parfois la dualité tubéreuse / boisé cannelle que l'on retrouve dans Cèdre. Sur moi, le parfum s’éclaire peu à peu jusqu’à prendre un éclat fruité et lumineux de fleurs et de fruit jaune, délicatement confituré et parfumé, où l’on sent poindre un léger effet fumé.

A mes yeux, c'est ce fruit, ce fruit étrange chanté par Billie, qui constitue la trame de la fragrance : opposition entre le départ presque amer et légèrement toxique du gardénia et la clarté fruitée de la note de fond, faisant écho à la mélodie sombre de la chanson et à la luminosité de la voix perçant à travers le piano. A écouter sans modération dans l'humeur mélancolique des dimanches soirs, lové dans un canapé Chesterfield avec un verre à la main,  un nuage de Voix Noire dans la pièce, et pourquoi pas, un gardénia dans les cheveux...



Une voix noire, Christopher Sheldrake pour Serge Lutens, Salons du Palais Royal, 2012

vendredi 5 octobre 2012

aldéhydes pauvres


J’ai fait mes devoirs et me suis emparé d’un flacon vintage de Cléa d’Yves Rocher. Ouvert à toutes les expériences, prêt à l’extrême et à admettre mon flagrant délit de snobisme  au cas où…

Lancé en 1980, Cléa reprenait les codes du chic des décennies précédentes et offrait à toutes les femmes la chance de porter de l’aldéhydé grand genre. L’ouverture est séduisante : la bouffée d’aldéhydes poudreux-savonneux évoque clairement Madame Rochas que j’adore. C’est très joliment et finement réalisé, moi qui adore ce genre, j’avoue, j’aime beaucoup. Hélas, sans surprise, tout se gâche assez vite, une fois la tête envolée, ne reste sur peau qu’une odeur de savon assez sèche. Où sont les fleurs ? Où est le fond ? On retombe de haut ! Certes, ça sent le propre, mais franchement cheap ! Le côté sec peut faire penser à Calèche, je veux bien, mais là ou Hermès donne de la retenue aristocratique à son parfum avec un fond boisé-sale, Yves Rocher fait franchement figure de parent pauvre, de cousine nécessiteuse alors justement qu’il s’aventure sur le domaine du parfum bourgeois par excellence. Quand on a qu’une robe rapiécée à offrir en spectacle, on ferait mieux de s’abstenir et de ne paraître dans le monde.

Je suis le premier à admettre que mes goûts sont ceux d’une cocotte, plus encore que ceux d’une bourgeoise, mais être une cocotte, ça ne supporte pas la médiocrité, ça doit être joué  grand genre ! Garder loin de moi ces bijoux de pacotille, ces oripeaux mal coupés, je veux du luxe, du vrai et jamais une pâle imitation ne pourra me convenir ! OK, je suis snob.

Cléa, Yves Rocher, 1980.

mardi 2 octobre 2012

Scènes de ménage: quel parfums porter?


Parce que la vie du couple n’est, hélas, pas un long fleuve tranquille mais se révèle être souvent pleine de remous, il me faut, dans un sincère désir de bien vous conseiller, aborder le douloureux chapitre de la dispute avec l’envie, bien entendu, que tout cela se termine au mieux ! Voyons les différentes situations au cas par cas.

J’ai tort et tout le monde le sais. 

(Mais jamais je ne l’avouerai !)

Honnêtement, dans ce genre de situation un peu désespérée, je pencherais volontiers pour un parfum innocent et modeste qui permettent de jouer les évaporées, de ne rien admettre sans trop nier les évidences. Une violette me parait un choix judicieux, particulièrement une violette timide dans un contexte vert. Dans son sous-bois, essayez la violette de Fahrenheit de Dior qui fut quand même novateur en son temps en reprenant une note devenue typiquement féminine. Plus aqueuse, le Verte Violette de l’Artisan Parfumeur est à essayer aussi. Si votre âge vous l’autorise vous pouvez aussi tenter la violette Lolita d’Insolence entre bonbon et tradition Guerlain, elle est charmeuse et faussement innocente. Cela se voit, mais plait tellement si vous savez vous y prendre, qu’on vous pardonnera.

J’ai raison. (Et je ne céderai pas !)

Misez sur du vert, une bonne dose de galbanum, un peu de jacinthe, un iris un peu froid, voilà qui peut faire se traîner à vos pied l’amant repentant, l’amoureuse humiliée. Le N°19 de Chanel, inflexible et intellectuel ou, plus radical, le Bas de Soie de Lutens sont sans concession. Si vous ne vous sentez pas d’envie de cruauté, voyez plutôt du côté de Balenciaga Essence, iris élégamment froid, ou de la Bluebell de Penhaligon’s, jacinthe terreuse et feuillue.

Et si tout ça dans le fond n’était que plaisants préliminaires ?

Oui, il y a des couples comme ça, ou les disputes ne sont qu’un piment, un ingrédient nécessaire à l’amour ou les cris de rage ne sont que préludes aux morsures de la passion et aux râles du plaisir frénétique… Alors, il faut oser les épices : Bang de Marc Jacobs qui nous sert le poivre ou le Noir Epice de frédéric Malle, muscade, cannelle, girofle et poivre. Ça s’enflamme, ça brûle et c’est tellement bon…

Illustrations: Katherine Heburn et Spencer Tracy dans Adam's Rib de G Cukor