dimanche 30 septembre 2012

le cas K



Au début de Butterfield 8, une jeune Elizabeth Taylor erre dévêtue dans un appartement ou elle a suivi le soir qui précédait un homme. Elle découvre qu’en partant il lui a laissé des billets, la prenant, à tort, pour une prostituée. C’est exactement le genre de sensation que fait naître K de Krizia.


Le parfum démarre furieusement laissant craindre un chypré ’80 typique (Paloma Picasso par exemple) mais se calme assez rapidement pour devenir un floral aldéhydé assez classique (dans une veine N°5), élégamment poudré qui doit à l’époque qui l’a vu naître son opulence un peu lourde. Le plus surprenant est la base animale, très vite présente, entre cuir et civette. Elle lui donne une certaine étrangeté, en fait un parfum comme on n’en voit plus. Et, effectivement, donne l’impression d’être une prostituée de luxe. 

En ce sens, il me donne un peu la même impression que My Sin de Lanvin, mais en moins daté : là ou My Sin offre un fond animal gras et lourd comme on en fait définitivement plus, K mise sur l’animal et le cuir : c’est plus moderne. Mais pas franchement plus décent.

K, Maurice Roucel pour Krizia, 1981

mardi 25 septembre 2012

vieille petite fille

Bette Davis dans whatever happened to baby jane?

La VPF, vous la connaissez forcément : ses vêtements trop courts, trop colorés, ses cheveux trop blonds. Elle fait un peu moins que son âge de loin et croit qu’elle fait beaucoup moins de près à force de minauderie et d’exubérance ! Elle joue les sales gamines mal élevée en se croyant éternellement jeune et charmante, se voit en petit lutin espiègle et rieur…

Elle embarrasse ses enfants. Ses collègues la prennent pour une conne. Son mari la laisse le plus possible à la maison.

Son parfum : la vie est belle. Poisseuse confiture de fruits aussi synthétiques que la Julia Roberts de la pub, méconnaissable à force de Photoshop, et patchouli importé directement d’une centrale atomique.  Vulgaire, énervant, insupportable beaucoup trop bruyant. Comme la VPF.

La vie est belle, Anne Flipo, Dominique Ropion et Olivier Polge pour Lancôme, 2012.


mercredi 19 septembre 2012

rose



Il y avait dans le jardin de mon enfance un rosier portant de petites fleurs aux pétales de velours d’un rouge sombre tirant vers le noir dont l’odeur qui montait m’insupportait au plus haut point. J’aurais pu trouver les fleurs jolies, mais je détestais leur parfum capiteux. Je ne dirais pas que ces roses me donnait la nausée, non, je trouvais juste qu’elles empestaient. Rien n’a pu y faire, je n’ai jamais pu souffrir les roses dans toute leur splendeur, je ne les ai jamais supportées que pâles et fraîches. Les roses jaunes ou blanches.
En parfum, il m’est arrivé de les aimer pourtant, légères et mariée à la violette dans des nuances cosmétiques terriblement artificielles. La Rose de Frédéric Malle m’a renvoyé à mon enfance, capiteuse, enivrante, insupportable.  Cette rose hyper réaliste compte parmi les parfums que je déteste le plus. A tester donc par tous les amateurs de vraies roses rouges qui devraient l’adorer.


Une rose, Edouard Fléchier pour les Edition de Parfum Frédéric Malle, 2003

mardi 18 septembre 2012

Aujourd’hui, j’ai mauvaise mine…


Hélas, cela m’arrive aussi, alors, je fais quoi ?

En fait, je ne change pas vraiment mes habitudes, il n’y a pas de jour où je m’en fiche, de jour où je me débrouille pour ne ressembler à rien. Parfois, quand j’en vois certain, je me dis que ça doit être leur cas mais je suis partisan du « on peut s’habituer à la laideur, à la négligence : JAMAIS ! » de Gabrielle Chanel.

Un maximum d’hydratation mais sous forme masque plutôt que crème  et des couleurs qui me vont, mais vives et joyeuses, qui revoient une jolie lumière autour de moi : les blancs et le rouge me réussissent très bien. ET le bon parfum ! Parce que oui, j’ai des parfums pour les jours sans et surtout, j’évite soigneusement certaines choses…

Jamais rien qui évoque la nourriture, surtout pas le sucre, ce qui n’est déjà pas mon truc en temps normal, parce que, au mieux, ça sent le régime et la frustration, au pire la VPF. (VPF : vieille petite fille, cet épouvantail qui en dépit d’un âge certain pense qu’en adoptant les comportements puérils de sa fille/petite fille, elle convainc tout le monde de son éternelle jeunesse. Même quand on peut y croire de loin, de près, elle démontre surtout que le ridicule ne tue pas.)
J’évite aussi tout ce qui fait « riche » les matières opulentes, luxueuse, les fond gras et baumés qui sont dans tant de beaux vintages, que j’aime à la folie mais qui font prendre 10 ans en un sniff. Surtout pas de vintage donc, ni d’orientaux, de chypres opulents ou de fleurs blanches…

Alors, il me reste : les verts qui donnent un petit coup de jeune, de dynamisme : l’eau de campagne (Sisley) ou l’eau de Camille (Goutal) ça vaut un lifting ! Décontractés, chics, joli, le vert, c’est une valeur sûre de mon armoire à parfum.
Idem pour les eaux chyprées gorgée d’agrume, moins stridentes, plus mures et plus douces que les simples hespéridés, ça file la pêche, c’est sport chic, terriblement élégant ! Classique, mais joli et diffusant, ça donne du charme sans attirer l’attention parce que si les gens regardent trop, ils risquent de voir ce qui ne va pas. L'effortless chic, ce n’est pas facile, mais c’est ce qu’il y a de plus flatteur ! Eau du Sud, Sauvage, de Rochas, les références ne manquent pas.

Sinon, au cas où, parce que « on ne sait jamais sur qui on peut tomber dans l’ascenseur » même si en gros, il y a plus de chance de rencontrer la vieille dame du 8ème qui va promener son lévrier qu’Anna Wintour, soyons lucides !, j’aime bien un floral léger et transparent avec un peu de sillage : c’est joli, élégant, séduisant. Peut-être pas sexy, mais je n’aime pas trop le sexy, je trouve ça bon pour les minettes pop, mais charmant, ravissant. Du coup, j’ai mis la main sur un vintage de L’Air du Temps… Il faudra que je vous raconte !Sinon, le côté sage et propre d'une Infusion d'Iris peut faire des merveille aussi avec son air de ne pas y toucher...

lundi 17 septembre 2012

douceur amère


L’Eau de Gentiane Blanche prend place parmi les cologne car elle est un plaisir égoïste et discret, totalement androgyne. Le risque serait de passer à côté en n’y voyant qu’une cologne, un jeu sur les agrumes. Donnez-lui sa chance ! et allez la sentir et vous découvrirez…

Entre eau de vie et infusion, la gentiane blanche par son amertume est un peu médicamenteuse : sur fond de muscs blancs, touchée d’iris, elle possède une grâce tranquille et réconfortante. Le parfum rassure, a des douceurs de cocon familial. Totalement originale dans une époque qui mise fort peu sur l’amertume, cette cologne a pourtant immédiatement des airs de déjà-vu tant elle évoque des ambiances lointaines, chaleureuses et réconfortantes, d’après-midi chez les grands-parents, tous réunis autour de la table, à traîner en parlant de tout et de rien…

Cette élégante discrète se révèle tenace, s’accrochant aux vêtements, se répandant subtilement. L’appellation cologne semblerait presqu’usurpée ! Elle fait partie des parfums que je préfère porter chez moi, pour traîner en robe de chambre, pour la simple et bonne raison que j’en profite mieux, que je suis plus à leur écoute.

Eau de Gentiane Blanche, Jean-Claude Ellena pour Hermès, 2009

dimanche 9 septembre 2012

néoclassique


Des muscs blancs, modernes, évoquant la lessive, le propre, dévoilent une impression de rose : non pas le portrait de la fleur, mais une sensation rosée, palpable, respirable, discernable mais invisible. Cette note rosée prend appuis sur des muscs à l'ancienne, gras et sales qui rappellent un peu des parfums ancien comme l'Original Musk de Kiehl's. Le parfum traduit parfaitement son époque tout en réussissant à être intemporel. Élégant, impersonnel, il laisse pourtant penser à celle qui le porte qu'elle a trouvé SON parfum, SON odeur, tout en étant parfaitement acceptable socialement. Narciso Rodriguez a réussi à marier les contraires : propres et sales, sexy et portable au bureau, minimalisme moderne et traitement à l'ancienne, faisant de son premier parfum l'un des classiques du mainstream actuel, l'imposant comme un classique indémodable.

Les deux versions, eau de toilette et eau de parfum, sont sensiblement différentes sur le même thème : à tester absolument ! J'avoue que jamais je ne pourrai le porter, m'y habituer tout à fait. Il a pourtant tout pour plaire, mais je ne peux m'empêcher de le trouver un peu trop anonyme pour moi. Il manque peut-être tout simplement un peu de désuétude pour mon goût un peu rétro.

For Her, Francis Kurkdjian et Christine Nagel pour Narciso Rodriguez, 2003

vendredi 7 septembre 2012

c’était mieux avant…


Voilà bien une phrase qu'on a tendance à dire souvent, surtout moi, qui achète d'anciennes versions, trouve les vintages si beaux, parfois tellement plus beaux que les versions actuelles ou les nouveautés. « Avant », entendons-nous bien, pas si « avant » que cela parce qu'avec tout le respect et l'affection que j'ai pour la marquise de Pompadour, je ne me parfumerais pas comme elle : vive la chimie et ses corps nouveaux ! Un monde sans Shalimar, sans N°5, non merci ! Ça limite déjà les temps bénis… Dans le fond, avant le XXème siècle, ça n'intéresse pas grand monde.

Et quand j'y pense, quand j'y pense vraiment et sérieusement, je ne suis pas persuadé que tout fut si beau et si rose avant ! D'accord, les accords étaient plus riches et il y avait de la vraie mousse de chêne (entre autres) … Mais en même temps, je me pose la question : pour qui ? En ces temps héroïque et pas si reculés que ça de la haute parfumerie, il n'y avait pas un Séphora/Marionnaud/etc. à tous les coins de rue, le parfum était chose rare et précieuse, peu accessible. Seule une certaine clientèle allait chez Guerlain ou Chanel. D'ailleurs, la salle de bain moderne, l'hygiène pour tous, ce n'est pas si vieux ! Dans le fond, la rue sent meilleur maintenant qu'en 1930, c'est indéniable !

Et avant, dans ce merveilleux avant un peu moins ancien, il n'y avait pas d'information, de communication, pas de blog, juste quelques articles répétant inlassablement les communiqués de presse. Oui, je me souviens d'un temps où il fallait guetter le Vogue du mois de novembre, parce que c'était celui où on causait parfums ! C'était la grande époque de la solitude ou l'amateur était un monstre condamné à vivre sa passion en secret et se demandait s'il devait oser porter ci ou ça. Au moins, de nos jours, on ose tout, on est complètement décomplexé, et on parle. On râle beaucoup, certes. Et on se dit que c'était mieux avant, et on a la possibilité d'acheter du vintage (Mais comment faisait-on avant eBay ?) et de se la jouer « niches only. » Alors, oui, aujourd'hui, les marques sortent beaucoup trop de choses, la qualité d'une certaine parfumerie baisse, mais dans le fond, j'aime bien mon époque ! Ça doit être mon côté optimiste !

(illustrations tirées de la mode illustrée, 1913)

dimanche 2 septembre 2012

les années noires


Jodie Foster
Taxi Driver
La maison qu'elle a fondée rend une fois de plus hommage à Gabrielle Chanel à travers un parfum. L'inspiration officieuse est très probablement ces années sombres qui ont valu à Gabrielle son surnom de Coco, ces années où elle était chanteuses de beuglant dans des villes de garnison, quasiment de fille à soldats, ces années des débuts difficiles qu'elle prenait tant de soin à faire oublier, elle qui voulait tant être une femme respectable, libre, bien différente des cocottes qu'elle avait croisées à ses débuts.

Coco Noir est un patchouli écœurant, poisseux, collant, doté de l'inévitable couche de sucre qu'il faut pour séduire le public le plus large puisque les clientes élégantes, parties chez Prada, n'ont pas voulu revenir après le N°19 Poudré. Ça se veut jeune, c'est fruité, et ça plaira probablement à toutes les petites grues qui rêvent d'un destin à la Zahia ou à la Ruby. Pas certain que Mademoiselle eut apprécié l'hommage.

Coco Noir, Jacques Polge et Christopher Sheldrake pour Chanel, 2012