samedi 30 avril 2011

Retour à la Terre

Terre d'Hermès consiste pour moi en la superposition de deux notes comme Jean-Claude Ellena sait si bien le faire: je pense notamment à Déclaration de Cartier et à Bigarade concentrée aux Editions Malle. Ici, je sens une marmelade d'orange amère, thin cut, de celles que seuls les anglais savent faire (avec une pointe de whisky) et un accord de bois, sec, austère, un poil poussiéreux. (terreux?)

Steeve McQueen
Ces deux accords reste bien distincts, ne se fondent pas, ne se succèdent pas mais semblent plutôt dialoguer, l'orange amère baissant la voix, laissant toujours plus de place au cèdre et à sa sensualité. La formule peut sembler simple, mais pourquoi faire compliqué? Terre possède un vrai "chic sportif" à la Steeve McQueen qui le place effectivement du coté viril de la force. Attention donc: jeunes espoirs chichiteux, dandy efféminés, s'abstenir! Il convient à ceux qui s'assument, ce qui explique son succès auprès des plus âgés. (ça et le fait que la clientèle traditionnelle d'Hermès ne soit pas exactement jeune, jeune, jeune.) Du coup, il est à essayer en contre emploi sur une femme jeune et jolie, faussement négligée, qui pique l'after-shave et la montre de son homme parce que ça fait bien ressortir qu'elle est une fille. 

Tenue et sillage impeccables. Que cela fait du bien de voir qu'un parfum de qualité peut trouver sa place et rencontrer le succès auprès du grand et large public.

Terre, Jean-Claude Ellena pour Hermès, 2006

jeudi 28 avril 2011

Le moins est-il le plus?

Personne ne pourrait, je pense, me qualifier de minimaliste. A cette formule, je préfère celle de Vivienne Westwood quand elle dit "Achetez moins, choisissez plus".

En ce moment, je m’habille de moins en moins. Entendons-nous bien : je ne passe pas mon temps à me balader nu, j’en serais bien incapable. Il y a des gens qui sont nus avec un grand naturel que je leur envie, moi, je n’aime pas être découvert : je peine avec les maillots de bain et je n’apprécie les manches courtes que depuis assez peu de temps. (Prochaine étape : je serai à l’aise en débardeur ? ça se travaille ces choses-là !) Ce que j’entends par là, c’est qu’au lieu de m’habiller, de réfléchir vêtements, je me fagote sans y penser enfilant une sorte d’uniforme assez simple. Ce n’est pas la première fois que cela m’arrive ; je ne sais trop si c’est purement intérieur ou parce que je trouve la mode du jour assez peu à mon goût.

Auparavant, lors de ces crises, j’avais opté pour le noir, ce qu’il y a de plus facile en termes de vêtement contemporain : facile à trouver, facile à assortir, toujours dans le ton et raisonnablement flatteur. Cette fois, je simplifie surtout la forme et opte pour l’éternelle et indémodable solution du basic :

Un jeans Levi’s 501, le modèle simple par excellence, droit, indémodable et qui ne me va pas trop mal. Simple, encore qu’il faille choisir la couleur et les éventuelles déchirures. Je suis plutôt contre les déchirures et l’usure, choses dont je suis parfaitement capable de me charger moi-même., un jeans pouvant se garder longtemps à condition que la taille soit encore bonne dix ans après…

Des Converses. J’ai une passion ancienne pour la Converse qui m’a repris il y a peu. Seul souci, ma paire préférée est toujours la plus ancienne, celle qui est sur le point de craquer. En l’occurrence, il s’agit de mes Converses bleu marine, passablement déchirée. Je sais, c’est assez facile de les remplacer par les même sauf que ce ne sera pas exactement les mêmes, elles seront neuves sans cette patine qui me plait. Trop neuf, trop propre, trop fifties, c’est beaucoup trop premier degré pour moi. Régulièrement, Inès de la Fressange les loue dans les magazines (ou dans son livre la parisienne) et moi je dis que si on ne peut pas faire confiance à Inès, alors à qui ? (Joli article sur la Converse : Madame Figaro )



Un T-shirt. Mais alors, là, je trouve que les choses se complique parce que le bon T-shirt, c’est loin d’être évident à trouver puisqu’il faut bonne coupe, bonne longueur et bonne matière. Trop long, c’est moche : ça donne un long buste et de petites jambes, ce qui est quand même à peu près le contraire d’une jolie silhouette. (Avis perso : la jambe courtaude, ce n’est JAMAIS joli !) En plus, ça fait vite robe de nuit. Trop court, c’est absolument ridicule. L’effet brassière est des plus mal venus. Qu’on voit un peu de ventre (plat !) quand on fait le poirier, d’accord. Quand on attrape un dossier en hauteur au bureau, non, c’est pas possible. Le bon T-shirt, pour moi, est légèrement cintré parce que j’ai un semblant d’épaule, même pas grâce à Norbert, je suis né avec des épaule un peu carrées, sans être large du tout, qui font que je me passe bien d’épaulettes et qui donnent l’impression que j’ai une taille (Alors que, pas spécialement, non, pas comme je voudrais !) et que quand même à force de faire du sport et de me surveiller, je n’ai pas trop de ventre. Donc j’évite les t-shirts coupé tout droit parce que je dois caser mes épaules mais sans avoir envie d’une masse de tissus qui flotte autour du ventre et donne l’impression petit bidou de papy. A bannir absolument : Ralph Lauren qui augmente ses tailles à la taille mais pas aux épaules avec un résultat grossesse pas très joli. Oui, je sais, il faut dire que rien n’est plus beau qu’une femme enceinte pour être politiquement correct mais je ne connais pas une femme qui ne se vexe si on lui demande la date de son accouchement alors qu’elle n’est pas enceinte. Peut-être que je ne fréquente que des femmes susceptibles, mais ça m’étonnerait. La matière idéale : le coton un peu lourd qui tombe bien, parce que je déteste le jersey tout en finesse et transparence, et qui ne va pas trop bouger au lavage. Curieusement, pour pas cher, H&M offre un bon rapport qualité prix lorsqu’on passe régulièrement dans les rayons et qu’on a l’œil. J’aime bien l’encolure ronde basique, le V me met un peu mal à l’aise, question de pudeur : j’ai longtemps eu du mal avec les manches courtes. Mais sinon, pour ceux qui osent, le col V a tout bon. Je trouve ces derniers temps mon bonheur chez Aussiebum qui a tout bon coté coupe et matière et en prime des dessins assez sympas parce que je suis dans un état d’esprit un peu fantaisie en ce moment et que j’en ai marre de l’uni. Coté couleur, comme c’est près du visage, je pense à ce qui me flatte ET à ce que je trouve joli, donc beaucoup de bleu qui me donne bonne mine et j’oublie absolument le vert et le violet qui me font un vilain teint verdâtre ou rougeaud… Pas de noir non plus parce que c’est une couleur qui vieilli mal et que j’aime bien quand le temps a customisé mes vêtements. En outre, ce n’est pas ce qui me va le mieux, le bleu marine, beaucoup plus sage, est beaucoup plus aimable avec moi. Beaucoup porté, le noir donne pourtant un air fatigué dès qu’on est en petite forme, je trouve. Et dès qu’on a plus 20 ans, on montre déjà bien trop vite qu’on n’a pas dormi assez cette nuit, ou qu’on a bien besoin de vacances…
Et voila tout alors heureusement qu’il fait beau parce que je n’ai vraiment pas envie de me casser la tête en ce moment avec la météo. Le soleil n’a qu’à briller jusqu’en septembre, époque ou nous pourrons joyeusement courir dans les boutiques à la recherches des merveilles qui nous permettront d’affronter l’hiver. Ou juste d’un truc chaud à enfiler en hurlant "Je n’ai rien à me mettre ! Je déteste toute ma garde-robe !" En attendant, une besace Upla et un très bon parfum et puis c’est tout ! Mais bon, j’aurais bien besoin d’un maillot de bain, maintenant que j’y pense. Allez, je vous laisse parce que comme Elle Woods "I have some shopping to do !"

mardi 26 avril 2011

BANDIT!

"Comme un garçon j'ai les cheveux long

Comme un garçon je porte un blouson

Un médaillon, un gros ceinturon, comme un garçon"



The Wilde One
Bandit n’est pas une tendre. Bandit porte un blouson de cuir sur la chaleur de sa peau. Un peu de citron pour se rafraîchir derrière chaque oreille et quelques fleurs qui traînent dans les poches de son perfecto. Bandit est une Bad Girl qui sort toute la nuit et rentre à l’heure qu’elle veut, avec qui elle veut. Bandit est intelligente, insolente et prête à en découdre ; n’allez pas lui chercher noise, elle se fiche de vous plaire. Dans le fond, elle est pourtant bonne fille, elle veut juste être libre, ce n’est vraiment pas de sa faute si parfois elle est obligée de se conduire en garce. Mais ça ne lui fait pas peur, vous voila prévenu.


Bandit, Germaine Cellier pour Robert Piguet, 1944
 


Définitivement plus rock que couture, voila un parfum qui devrait plaire à mourir aux filles d’aujourd’hui. Mais non, elles préfèrent prétendre avoir 8 ans et se noyer dans les confiseries. Foutue époque! A essayer absolument si vous ne pouvez voir Grease sans vous prendre pour Rizzo plutôt que pour la gentille Sandy, parce qu'elle s'amuse plus et qu'elle a la plus jolie chanson "there are worse things I could do" et qu'elle se révèle fragile comme Bandit lorsque vous l'avez laisser traîner sur la peau...




lundi 25 avril 2011

Un sang d'aquarelle

"...il allait être bien puni car il avait vu quelque chose, finalement, qu'il ne fallait pas voir, qu'il avait toujours refusé des voir et qu'il avait toujours eu tort de refuser de voir."
Cecil B De Mille en tournage

Dans ce roman paru en 1989, Sagan reprend le sujet de la guerre déjà abordé dans les faux fuyants qui était une pure comédie. Ici, le thème est le même: le petit monde bohème de Sagan, celui dans le roman de Constantin, un cinéaste, se trouve rattrapé par la réalité de la guerre. Constantin a quitté Hollywood pour la UFA, il tourne à Paris et en 1943, il commence à se rendre compte, quand ses deux assistants juifs sont arrêtés, qu'il a peut-être tout faux et que le bonheur, la légèreté, la possibilité de ne voir que ce qui l'arrange, sont peut-être bel et bien finis. 

Au vu de la date de la publication du roman, je ne peux pas m'empêcher d'y voir un parallèle avec la situation personnelle de Françoise Sagan. La réalité qui s'est imposée à elle: la fin définitive de la fête. Dans le roman, c'est toute la laideur de la guerre qui s'impose lorsque les yeux s'ouvrent: l'horreur du nazisme, la petitesse de l'humanité, sa noirceur. Dans la vie, on sait ce que fut la chute de l'auteur de Bonjour tristesse, combien douloureuse; le charmant petit monstre adulé du public étant devenu un épouvantail pour amuseur public, lâché par beaucoup. C'est peut-être ça, surtout, qui rend le roman si triste derrière la beauté des phrases et ce constat si amer que le bonheur s'il est possible, n'est qu'une illusion qui se brise cruellement. 

Sagan n'offrira pas de rédemption à ses personnages, comme la vie ne lui en a pas offert.  

Un sang d'aquarelle, Françoise Sagan, disponible en Folio

Carnation: de blonde à brune...

Marilyn  Monroe
par André De Diens
Carnation annonce la couleur, on s'attend à un oeillet, une espagnolade, on se prépare à juger selon les critères habituels du genre: rendu naturaliste ou stylisé? En contexte ou pur et dur? Etc.

J'ai eu presque l'impression d'être trompé sur la marchandise au premières notes: c'est une blonde ébouriffée, un peu Lolita, joues rouges, un léger voile de sueur sur la lèvre supérieure. Elle fait son apparition au milieu d'aldéhyde, jolie fleur décoiffée et on se dit que c'est donc cela l'effet oeillet: ce coté chiffonné un peu poivré, cette rougeur au joue due à la chaleur de la course, du rire, d'émois plus inavouables? Séduisante mais surtout surprenante.

Lauren Bacall
Peu à peu, les choses changent, les cheveux se lissent, s'assombrissent, l'apparence mûrit se fait plus séductrice avertie... on sent vraiment l'oeillet tout d'un coup: léger, transparent, mêlés de rose et jasmin et surtout terriblement girofle (mais sans jamais évoqué le dentiste!) et poivré. L'atmosphère devient plus équivoque, troublante. Pas fatale mais presque. Nettement moins naïve. On est passé d'une comédie légère à un film noir. Je sortais avec une jeune Norma Jean et tout d'un coup, Je suis en compagnie de Lauren...

Comme des Garçons a vraiment réussi son coup: une note qu'on ne trouve plus nulle part, hélas, modernisée, et rajeunie par sa transparence qui sait rester classique en ayant échapper à la tentation de faire une reconstitution à l'ancienne, un peu passéiste. Cette Carnation m'a entouré, charmé toute la journée, présente mais jamais lourde, stylisée, mais avec le coté très naturel de la chose bien faite. Un parfum original, sans excentricité, facile à porter, qui sait être jeune et séducteur en évitant le piège de la gourmandise et de la lourdeur dans l'intention qui a fait tant de ravages depuis Angel. Et quel plaisir que ces parfum évolutifs, changeant, en comparaison de l'ennui garanti de certains monolithes. 


Carnation, Series 2: Red,  Evelyne Boulanger pour Comme des Garçons, 2001

vendredi 22 avril 2011

une biographie de Chanel (de plus)

Encore une biographie de Chanel. Une de plus? Une de trop? Indispensable ou pas?

Justine Picardie a fait du bon boulot: elle passe en revue les différentes versions de l'histoire et essaye de deviner la vérité derrière les invention, la légende. On le sait, Gabrielle Chanel était menteuse, brodait, coupait, bâtissait de toutes pièces une vie qui lui convenait. Peut-être peut-on lire à travers les mensonges. Peut-être. Le lien avec la mode et le parfum est fait, puisque même pour ça, Chanel trafiquait le vérité, se voulait seule à la barre, éliminant tout ce qui l’encombrait, pouvait lui faire de l'ombre, la ternir. Mais c'est un ouvrage sur la vie de Chanel, pas une analyse de sa place dans l'Histoire avec un grand H, ni dans l'histoire de la mode. Dommage, car cette biographie-là reste à écrire, qui m’intéresserait plus. L'ouvrage est complet, joliment illustré par Lagerfeld qui illustre à tour de bras dès qu'il est question de Chanel. Aussi, surtout, il y a les photos, bien choisies, dont certaines m'était inconnue. Ce n'est pas mal écrit (traduit) et ça se lit facilement, plaisamment.

Mais. Mais à choisir, j'en préfère d'autres. Celle d'Edmonde Charles-Roux par exemple qui avait la même approche et se lisait comme un roman. On celle de Paul Morand: l'allure de Chanel (qui a aussi été illustrée par Lagerfeld dans une réédition), qui a été faite sous la dictée de la couturière, dans les années '50,avant son retour, et qui, certes, gobe toutes les invention de Mademoiselle, mais semble nous restituer sa voix telle que les enregistrements nous l'on transmise:  ton se croit à sa place dans un canapé à coté de Mademoiselle Chanel a l'écouter se raconter, un peu et si faussement, mais aussi émettre les sentences cruelles, prophétiques et méprisantes dont elle avait le secret, coupante, égoïste, orgueilleuse.


Justine Picardie, Chanel, sa vie, illustrations de Karl Lagerfeld, Steidl, 2011

mercredi 20 avril 2011

Road trip à travers l'Angleterre

J’achète le dernier roman paru de Jonathan Coe les yeux fermés depuis des années maintenant. Je ai découvert l'auteur avec Testament à l'anglaise que j'avais bien aimé, acheté les suivant que j'ai adorés et depuis, je le suis  avec confiance dans son exploration de la société anglaise middle class à la dérive depuis les années Tatcher.

Maxwell Sim s'est fait plaquer, a du mal avec son boulot, se remet d'une dépression nerveuse et ne s'entend pas très bien avec son père. Fasciné par une chinoise et sa fille vue dans un restaurant en Australie, le voila qui s'embarque pour une traversée de l'Angleterre qui a pour but la promotion d'une nouvelle brosse à dent écolo. Voila l'idée. Mais tout est dans la manière. Coe suit son personnage et part en même temps que lui à la découverte de son passé, parce que c'est la spécialité de l'auteur que de nous montrer que le destin tient à peu de chose, qu'un tout petit détail, une coïncidence toute bête, un grain de sable, suffit à faire basculer la vie des individus et que les fautes des pères retomberont sur les fils. C'est fascinant, passionnant et terriblement juste. 

Et surtout, il y a le style Jonathan Coe, cette ironie légère, drôle et toujours un peu attendrie. Coe ne se moque pas, il rit parce que c'est quand même mieux que pleurer et il sait y faire. Ce qui n'empêche pas ses personnages de loosers ordinaires d'être touchants. Et derrière tout ça, un regard sur notre société assez dur  et des questions: Mais que s'est-il passé? Ou nous sommes nous planté? Pourquoi nous sommes-nous fait avoir?

"Ça paraît si loin, à présent. Tout semblait possible à l'époque. Absolument tout. Je me demande si ça revient un jour ce genre d'impression."

La vie très privée de Mr Sim, Jonathan Coe, Gallimard, 2010

lundi 18 avril 2011

villégiatures

Les beaux jours sont là et soudain les invitations pleuvent. Quelques jours à la mer, un week end à la campagne, un barbecue... Et j'avoue que ce n'est pas vraiment mon truc. Je déteste m'entasser dans une maison trop petite pour le nombre d'invités, ne pas avoir de place dans la salle de bain pour poser mes deux sérums et mes trois crèmes, je déteste manger en plein soleil en risquant la ride et l'insolation, entouré d'insecte qui convoitent mon assiette ou mon sang, je déteste être enfumé et me voir servir de la la viande trop cuite à l'extérieur et un peu crue à l'intérieur. Je déteste. OK, je ne suis pas sympathique et passablement ingrat. Mais déjà, je n'ai rien à me mettre pour l'occasion. Surtout pour la campagne, comme j'adore la marinière signée Agnès B ou Saint-James, je peux difficilement prétendre que je n'ai rien à porter pour le bord de mer. La marinière est très jolie à la ville mais tout à fait déplacée à la campagne non? En réalité, c'est surtout moi qui suis déplacé à la campagne. J'aime mon confort et je ne vois pas pourquoi subitement des gens parfaitement sensés par ailleurs renonce aux joies d'une jolie salle à manger et d'un ravissant service en porcelaine au profit de bric et de broc dans le fond de leur jardin. Je en vois pas pourquoi des gens doté d'un goût exquis et d'une très jolie chambre à coucher veulent soudain aller s'entasser sur des paillasse ou il est impossible de dormir correctement avant 4 heures du matin, l'heure ou le coq chante et ou on conduit les vaches au pré. (Je vous jure, j'ai donné, ça existe vraiment, ce n'est pas qu'un lieu commun de la littérature à destination des citadins.) Évidemment, je ne suis pas masochiste, il y a le bonheur d'être avec ceux que j'aime.  Sinon, je ne bouge pas de chez moi. Le plaisir d'être avec eux. De rire avec eux.

On se reportera à Proust pour la description de l'hostilité patente des chambres qui ne sont pas encore les nôtres: De la place, il n'y en avait pas pour moi dans ma chambre de Balbec (mienne de nom seulement) Dans à l'ombre des jeunes filles en fleur au  début de la deuxième partie. Chanel avouait aimer les paravents pour pouvoir recréer son univers partout. C'était "sa tente de nomade" qui l'a suivie toute sa vie. Personnellement, j'ai aussi besoin de recréer mon univers un peu partout ou je me trouve et pour ça je dépose mes livres, celui en cours, ceux à venir et parfois, lorsque je pars plus que quelques jours, quelques uns de mes préférés: forcément la Recherche. Oui, même sans la lire, sans avoir aucune intention de la lire, juste parce que je peux avoir envie à tous moment de saisir l'un ou l'autre volume pour me replonger dans un passage que j'aime, qui me parle en ce moment bien précis.

Et je prend avec moi mon flacon de N°5 en extrait. ou que j'aille. Comme un talisman, un fétiche. Pour me sentir moi, me sentir chez moi. Même si je prends d'autres parfums plus adaptés aux lieux ou aux circonstances.  Plus légers, plus été, plus campagnes etc. Mais c'est celui-là qui me rassure, mon petit morceaux de civilisation au milieu de la barbarie, mon affirmation de moi-même dans un monde étranger. (et forcément un peu hostile) Peut-être qu'un jour je n'irai plus voir ailleurs et je lui serai fidèle. 

mercredi 13 avril 2011

Retour en arrière


Lauren Bacall
 Avec les beaux jours, ma passion pour les grands aldéhydés floraux reprend de plus belle. Je me plonge avec joie dans ces parfums anciens et trop souvent délaissés au profit de formules moins belles mais plus faciles, plus accessibles. Tous un peu dérivés de mon cher N°5 et de son jumeau secret N°22, ils ont été furieusement à la mode et avec le recul, nous contemplons les vestiges de leur splendeurs passées en les confondant un peu tous, n’accordant notre attention qu’au seul chef d’œuvre de Chanel et traitant tous les autres comme de vagues imitations, de simples dérivés. C’est un peu injuste, car si comme tous les enfants d’une même famille ils présentent de fortes ressemblances, ils ont des personnalités distinctes, des qualités propres.



Lauren Bacall
Baghari de Robert Piguet est réédité depuis quelques années. Je ne sais à quel point la formule a été revue, mais l’effet vintage est bien présent. C’est un long flashback vers les années ’50 qui nous saisi et nous plonge dans une atmosphère de laque, jupes amples, tailles étranglées, manteaux de fourrures, etc. Les aldéhydes sont extrêmement présents, entre savon et poudre, évoquant le brushing, pour un effet brillant, scintillant qui se fait remarquer. L’effet surprend : nous nous sommes habitués à les considérer comme de simples adjuvants, oubliant qu’ils peuvent avoir une valeur propre. Baghari ne prétend pas à la discrétion, il est élégant, jouant la carte classique rose et jasmin, pas tapageur mais bien présent, restant longtemps sur la peau en jouant le poudré vanillé ambré. L’ouverture, assez longue, est absolument fascinante, impossible de m’en lasser : c’est une coupe de champagne qui pétille, un peu amère, un peu aigre, totalement addictive.


Lauren Bacall

Le parfum semble fonctionner par trace, par souvenir : sillage d’une inconnue dans les couloirs d’un grand hôtel, trace de poudre dans une salle de bain, reste de chaleur dans une fourrure. Il n’évoque pas de souvenirs précis, mais crée sa propre histoire, sa fiction bien à lui: adultère mondain ou Duchesse de Langeais 1950. Il y a du mystère, des non-dits. Des répliques drôles, spirituelles, un peu désabusée. Je vois bien le rôle joué par Lauren Bacall.

La dame qui habite ce parfum est autoritaire, plus élégante que belle, peut-être, et pleine d’intentions qui risquent de vous échapper : elles ne sont pas exprimées directement. Baghari est une lady : elle ne peut pas se balader avec « baise-moi » écrit sur le front. Pour ça, il y a d’autres parfums, plus modernes, plus directs. Tellement moins intéressants. En attendant, laisser-moi encore un peu dans mon petit monde, loin de la réalité.



Baghari, Francis Fabron (1950) Aurélien Guichard (2006) pour Robert Piguet

lundi 11 avril 2011

à la recherche de l'innocence perdue...

Shirley Temple
Il y a probablement une infinité de personnages en moi, mais la Girlie Girl n'en fait pas partie. C'est peut-être ça qui me rends si facilement intolérant face à cette mode odieuse du 'tout sucre." Néanmoins, je suis tout à fait capable d'apprécier le rose bonbon et un parfum typé "jeune fille" pour peu qu'il soit bien fait. C'est juste que je ne le porterai pas. En ce moment même, une bougie Petite Chérie brûle à coté de moi et j'avoue apprécier de plus en plus ce parfum...

Chez Goutal, il y a une tradition du parfum "petite fille" qui colle avec l'esprit maison des choses naturelles. Globalement, je trouve que ça fait partie des réussites de Goutal. Est-ce parce qu'il y a, au départ, une mère qui pense à ses filles? Ou parce que ça s'intègre à une collection globalement peu sexuelle? (Pas qu'il n'y ai pas de sensualité dans la collection, mais celle-ci n'est pas outrageusement mise en avant comme c'est hélas trop souvent le cas dans les maisons plus tapageuses) 

Petite Chérie est un parfum qui a tout le charme de la simplicité et de la naïveté. C'est un cocktail à base de jus de poire, très frais, verdi par des herbes, adouci d'un soupçon de vanille et relevé d'un pointe de fleurs musquées qui font tenir l'accord. C'est sucré comme un fruit frais, ça sent le propre, c'est joyeux comme une jupe qui danse dans le soleil quand celle qui la porte tourne sur elle même pour perdre un peu la tête, c'est délicieusement enfantin version petite fille modèle. Petite Chérie est à croquer. Petite Chérie est toute innocence. Petite Chérie est indispensable parce que toutes les demoiselles ne sont pas d'odieuse Lolitas, qu'il y a aussi les quatre filles du docteur March... et qu'il est doux parfois de s'accrocher à notre part d'enfance.

Décidément, la maison Goutal, qui avait pris un peu d'avance sur son époque, dans son interprétation de l'air du temps, est encore une fois juste, faisant preuve d'un goût exquis qui la conduit à l'intemporalité. Si Petite Chérie n'est pas un parfum de grande, s'il n'est pas un grand parfum, c'est assurément un parfum fait avec grand art.

Petite Chérie, Isabelle Doyen et Annick Goutal, 1998

Héroïne girlie sur le trottoir

Je dis assez peu de mal, mais là, j'ai un peu envie. Je suis retombé par hasard ce week end sur un échantillon de Ricci Ricci et j'ai relu la petite note qui accompagnait: "Glamour et audacieuse, Ricci Ricci incarne une nouvelle héroïne dans l'univers poétique et sophistiqué de Nina Ricci..."

L'univers Ricci, dominé par l'Air du Temps, existait dans un registre floral, sophistiqué, joli dans un genre sage, un peu mièvre et des flacons de type Lalique romantique. Les choses ont été liftées une première fois avec le lancement de la ligne soin et maquillage dessinée par Garouste et Bonetti qui imposait couleurs et plastiques, de façons assez réussie mais désarçonnante : un plantage qui n'a pas tenu longtemps. Nina, reprenant un flacon pomme (inspiré de Fille d'Eve?) jouait la carte moderne jeune: fruits et sucre. Ricci Ricci fait de même puisque quand ça marche...



Alors, cette nouvelle héroïne? Très jeune, elle est apprentie pâtissière ou peut-être juste boulimique. Elle nous régale d'une tarte à la rhubarbe sucrée jusqu'à l'écoeurement qui se dévoile fruits rouges et violets glacés, confits, ou de synthèse…. On regrette l’ancien monde Ricci qui semblait tout droit échappé d’un roman Harlequin. Maintenant, nous avons plongé dans un monde manga assez peu raffiné : les couleurs semblent trop vives, le scénario est au-delà du déjà vu. Ce patchouli rose fluo, ce n’est pas mal fait, non, mais qu’est-ce que c’est racoleur. Une prostituée déguisée en écolière ou une écolière qui se prostitue ? N’y a-t-il pas de limite à l’agichage ? Pas de solution autre que flatter les vices du client lambda et le pousser à se vautrer encore un peu plus dans son immaturité jouissivement consommatrice ?


OK, Ricci Ricci n’est pas la pire de la bande qui hante les centres commerciaux. Pas la plus mal fichue, ni la plus bruyante. Mais voila, elle est ses copines, je ne peux pas, tout simplement. Et je trouve ça paticulièrement triste de voir la maison Ricci qui a été belle un jour se livrer au putassier pâtissier.

Ricci Ricci, Aurélien Guichard, Jacques Huclier pour Nina Ricci, 2009



mercredi 6 avril 2011

Courage: Fuyons! Courage: Rions!

Envoyer 4 mondains parisiens, forcément snobs, à la ferme dans le fin fond de la Bauce, voila un scénario de télé-réalité comme les aime TF1. Les joies infinies de voir la découverte de la vie rustique par une riche autoritaire défraichie, une jeune épouse de millionnaire, un diplomate homosexuel et un gigolo odieux enfin confronté à la réalité de la terre et à la sordidité du monde réel, quel bonheur !

Sauf que, là, il ne s’agit pas d’une infâme production Endémol 2011 mais d’un délicieux Roman de Françoise Sagan publié en 1991. Au moment de la sortie, je me souviens qu’elle expliquait avoir eu envie d’une comédie, de rire un peu, encore, enfin. Alors, oui, elle jette ses 4 personnage sur les routes, fuyant l’arrivée des allemands à Paris en 1940 et elle les fait atterrir en Bauce, dans une ferme ou on est content de les voir arriver dans le fond et bien égoïstement puisque les hommes sont mobilisés et qu’il faut faire la récolte. Les deux mondes vont se rencontrer, se confronter, se remettant en question, remettant l’autre en question, avec des décalages drolatiques qui réussissent à éviter la caricature façon grosse farce.

Sagan s’amuse de la rencontre des deux mondes. Mais Sagan s’amuse à sa façon très aimable : sans sarcasme, sans méchanceté. Sagan s’amuse, nous amuse et réussi à nous émouvoir quand les personnages se découvrent à nous, se découvrent eux-mêmes, autres que ce que le monde, en l’occurrence le grand monde, à voulu faire d’eux. Sagan nous dresse un charmant portrait et donne une leçon en même temps, très humble, sur ce qui nous fait, qui nous sommes, parfois volontairement, parfois contraint, parfois à notre insu. Une petite réflexion sur l’identité.

Et comme Françoise à vraiment beaucoup de talent, elle nous fait rire, beaucoup, mais réussi a nous émouvoir, brutalement, quand on s’y attendait le moins, on devient grave d’un coup, touché en plein cœur. Et on se dit que n’importe qui ne peut pas réussir ce tour de force, surtout à notre époque ou le rire est grinçant, cassant, souvent cruel.

"Il avait fallu une catastrophe nationale ou mondiale pour justifier la dégringolade sociale dont, depuis deux jours, Luce et elle étaient les victimes, comme pour expliquer l'attention respectueuse qu'elle portait aux diktats d'une fermière."

Grace à Delphine's book, je relis Sagan et je lui dois un grand merci!

Les faux-fuyants, Françoise Sagan, 1991, disponible en Pocket



mardi 5 avril 2011

Polar British

Encore une série policière. Anglaise cette fois-ci.
Et Angleterre, joue un vraie rôle. enfin, Angleterre, plutôt le Yorckshire ou s'est installé le héros de Peter Robinson... 

Dans ce roman, il y a un  double meurtre dont on ne sait trop s'il est un crime passionnel, homophobe ou une sombre histoire d'espionnage. L’enquête est bien ficelée et on se laisse vraiment prendre par l'histoire. Les aventures de l'inspecteur Banks font partie des série dont je ne parviens pas à identifié le coupable avant la fin comme c'est hélas parfois le cas à force de connaître les ficelles de l'auteur. de bonnes histoire donc.

Mais surtout de bons personnages et une véritable ambiance. J'ai vraiment pris du plaisir à suivre Allan Banks à travers les années. Ses goûts musicaux qui changent en même temps que les supports puisqu'on passe du radio cassette de la première enquête à l'IPod, et sa vie personnelle: son mariage que se défait, une vie amoureuse hasardeuse, les enfants qui grandissent, les rapports avec les collègues, etc et il y a de plus en plus un coté désabusé, introspectif chez cet inspecteur dans la cinquantaine qui regarde son époque sans toujours la comprendre qui me plaît vraiment. Et revoir une époque, la mienne en l’occurrence, me séduit de plus en plus. Un signe de l'âge? Toujours est-il, qu'ici, c'est réussi: dans l'actualité, l'immédiateté, mais suffisamment détaché...

"Il n'y avait qu'un endroit ou il voulait être à présent - un sel. Un peu chancelant au début, mais reprenant des forces au fur et à mesure, Banks se mit en route en direction de sa maison. Il ne savait pas si cette humidité sur son visage; c'était des gouttes de pluie, du sang ou bien des larmes."

Peter Robinson, Toutes les couleurs des ténèbres, J'ai lu,  2011

If the look is masculine the name is...

Mon adolescence a été hantée par un masculin: Azzaro pour homme, le parfum qui m'a presque dégoûté à tous jamais des fougères. Azzaro  a une formule basique assez limpide, notes aromatiques fraîches, lavandées, un peu citronnées sur une base sombre entre cuir, bois et baumes... Azzaro a aussi une puissance peu commune pour un masculin "antique" et dégage une virilité évidente, agressive, massive et un peu bourrine.

Ross Taylor
Voila un parfum subtil comme un dialogue de film porno. (Probablement le genre préféré du porteur de base.) Pourtant, avec le temps, j'ai appris à apprécier son mélange indélicat d'ambiance barbier et de menton mal rasé-torse velu et chaîne en or. Je n'en reviens pas à chaque fois que de constater qu'il est toujours en vente, fidèle à lui-même, mais j'ai une certaine sympathie pour lui finalement. Il n'est pas mauvais bougre et ce n'est pas franchement sa faute s'il n'a pas d'éducation. Il faut le prendre comme il est: braillard et tapageur, se plaisant à l'exhibition de sa virilité en bon bear qui parade sur le char d'un bar cuir à la gay pride. Finalement, même si c'est sans le vouloir, il est assez drôle. Lorsque je le sens, je ne peux m'empêcher de penser au slogan du studio (très spécialisé) Colt: 

If the look is masculine, the name is Colt AZZARO pour Homme


Azzaro pour hommes, 1978

Printemps

Botticelli Primavera

L’année pour moi se divise en deux périodes: chaude et froide avec des parfums adaptés chaud quand il fait chaud et froid quand il fait froid. Mais pendant un mois, c’est pour moi le printemps, une période de transition, un période à part ou je me mue en blonde. Pendant un mois par an, j’aime les couleurs pastelles et les chiffons de mousseline. Pour célébrer les beaux jours, voici ma sélection de petites fleurs délicates et légères… Autre caractéristique de cette petite sélection : j’ai choisi des parfums extrêmement figuratifs moi qui d’habitude préfère les abstractions.

Une Violette : celle de Penhaligon’s est absolument parfaite : poudrée avec des nuances de feuillage un peu vertes, un petit fond terreux mais zéro sirop de sucre. Pour moi, c’est l’une des plus réussie des violettes, qui nous épargne le coté trop bonbon au profit de la violette timide en son sous-bois. Jolie, élégante et très facile à porter. Elle date des années ’70 mais est vraiment intemporelle, pas du tout old fashioned. Plutôt Timeless.
Violetta, Penhaligon’s, 1976.

Un iris, quand même, ma fleur fétiche, mais version fraîche et facile. Hiris d’Hermès démarre sur du vert, à un bref scintillement métallique, et calme très vite le jeu en s’arrondissant, mettant en avant la facette douce, moelleuse de l’iris. (la face carotte, très exactement) Il se poudre à peine à la fin. Un Iris tige et fleur dans un décor un peu aqueux, une jolie chose, délicate, transparente et tendre, totalement différente de la froideur habituelle de l’iris en mode soyeux. Subtilement élégant à sa façon discrète.
Hiris, Olivia Giacobetti pour Hermès, 1999

Et le lilas? En passant, chez Frédéric Malle, on peut sentir celui d’Olivia Giacobetti, parfaitement réussi. Moi qui n’aime pas cette senteur trop associée au spray désodorisant des années ’70 et à leurs infâmes publicités, je l’ai redécouvert dans un parc. Je me demandais ce qui pouvait bien sentir si bon autour de moi avant de reconnaître en passant et de chercher enfin après ces lilas qui se cachaient dans une allée de traverse. La nature imite parfois l’art.
En Passant, Olivia Giacobetti pour les Editions de Parfums Frederic Malle, 2000

Comme je fais surtout en ce joli printemps dans les teintes mauves, violettes, bleutée, comment ne pas évoquer le Jardin Clos : une profusion de Jacinthes, fraîches, à peine sucrée, vertes mais pas acides, veloutées en fait qui se marie à la senteur délicates des lilas dans une évocation ahurissante de réalisme d’un jardin à l’anglaise, faussement naturel, terriblement séduisant qui nous invite à flâner, folâtrer, prendre notre temps, nous oublier un peu. Et qu’il est reposant de s’oublier un peu parfois.
Jardin Clos, Yves Coueslant et Christiane Gautror pour Diptyque, 2003