lundi 30 avril 2012

Absolutely Perfumista


Vous ne le saviez pas, mais Patsy et Eddy, nos deux chérie d'Ab Fab, qu'on aime parce qu'elles sont scandaleusement politiquement incorrectes, qu'elles s'en foutent et emmerdent le monde sont des perfumistas. Enfin, des genres de.

Eddy: « Quelqu'un me l'a donné pour rien et c'est la dernière tendance! »
Voilà la vraie raison de ses choix parfois… aléatoire. Mais une petite explication de texte : La dernière tendance, forcément, Eddie en est l'une des grandes prêtresses, amoureuse folle de la nouveauté jusqu'à l'aveuglement et l'abandon de tous critères de bon goût parce que le bon goût n'est pas fun Dieu merci, contrairement à ses vêtements le parfum n'a ni taille, ni couleur. La dernière tendance, vite, vite, vite, AVANT qu'elle ne se démode. Donc Eddy fait le siège des attachés de presse auxquels elle fait un peu peur, d'autant qu'elle (menace, enfin…) propose régulièrement de coucher avec eux. Ils finissent généralement par céder avant d'en arriver là et lui refile le truc trois mois avant sa sortie. 

En ce moment, elle porte : Séville à l'aube (l'Artisan Parfumeur) encore pour au moins deux mois. Et puis après, il sera RINGARD. (Traduction : sortie en septembre)

Patsy : « Je suis la seule à porter du Chanel, elles embrasseront mon derrière ! »
Patsy, fidèle à son image de grande dame de bientôt 39 ans (sic), s'adonne au noir et blanc, au classique et aime porter du Chanel parce que ça impressionne. Patsy rêve de faire peur. Patsy voudrait être Anna Wintour. Elle passe donc son temps à en piquer dans les boutiques et les back stages des défilés. Elle coucherait bien mais n'y arrive pas. « Je ne suis pas trop vieille, c'est la maffia gay ! »

En ce moment, elle porte le N°22, un exclusif, c'est mieux, du chiffre, chez Chanel, c'est encore mieux. Mais elle n'est pas trop sûre de ce qui est noté sur le flacon, c'est tout flou. Mais au goût, il lui semble que ce soit bien ça.







samedi 28 avril 2012

immaculée


Née en 1960, Madame Rochas semble un condensé des années '50. Conventionnelle, elle emprunte sa beauté à des formes classiques, celle du N°5 et d'Arpège, qu'elle débarrasse de tout ce qui pourrait être inconvenant. Le grand aldéhydé floral n'a plus rien d'animalisé ; il n'est plus que fleurs, savonneux, poudreux, à l'image de la bourgeoise de cette époque dont le New Look emprunte au passé ses formes opulentes et sa morale bienpensante. Corsetée, bien éduquée, jolie petite femme-objet, Madame Rochas est finalement plus démodée que ses ainées dont elle n'a pas l'entrain, la fougue. Gabrielle Chanel et Jeanne Lanvin avaient créé leurs maisons et leurs parfums, Hélène Rochas n'était que la veuve de Marcel Rochas : son parfum est avant tout élégant et respectable, idéal pour assister à l'office du dimanche en compagnie de sa belle-mère.

Hélène Rochas
Porter Madame Rochas me donne l'impression de porter des gants blancs, un collier de perles, plus qu'aucun autre. Soyeux, toujours aimable, il a une aura grande dame difficilement portable au premier degré. Ce parfum a besoin d'être bousculé, détourné, encanaillé, sans quoi il tourne à la caricature. Pas forcément indispensable, je trouve néanmoins salutaire de posséder un parfum qui rendent incapable de prononcer le moindre gros mot.

Madame Rochas, Guy Robert pour Rochas, 1960.

mardi 24 avril 2012

Retour aux sources


Normalement, en été, je m'offre une petite pause parfums, je cède à des envies passagères qui se concrétiseront peut-être en amours durables et, surtout, j'aime la chaleur, la volupté. Je me dis à moi l'Orient, les fleurs blanches, etc. Mais cette année fait un peu exception, pour une fois, je me sens des envies de faire comme tout le monde et d'aller vers la fraîcheur, des envie de me mettre aux eaux chyprées comme je l'ai déjà fait cet hiver avec l'Eau du Sud (Annick Goutal) qui m'a beaucoup accompagné. En fait, il s'agit peut-être de boucler une boucle, de revenir à mon point de départ.

J'ai commencé dans la vie avec Eau Sauvage d'Edmond Roudnitska pour Dior et c'était un bon début. J'ai peut-être eu des parfums honteux, mais certainement pas celui-là. Il n'était déjà plus à la mode mais avait déjà atteint ce statut si envié, ci convoité de classique. Je l'ai choisi pour de mauvaises raisons : la campagne publicitaire qui le rendait visible, le prestige du nom Dior encore intact en ce temps-là, et suis tombé amoureux dès que la démonstratrice l'a vaporisé sur mon poignet. L'eau sauvage a inauguré une formule (faussement) simple et efficace : fraîcheur durable des agrumes et des aromates sur fond chypré avec un cœur de fleurs plus ou moins discret. Avouons-le, spontanément, nous ne dirions pas de cette eau qu'elle sans le jasmin et pourtant elle doit beaucoup à l'hédione. Eau Sauvage, c'était une fraîcheur qui durait longtemps, une élégance folle au milieu des parfums alors à la mode, Azzaro pour homme, Drakkar Noir et autres horreurs brutales et tapageuse. Eau Sauvage, c'était aussi depuis sa création un parfum mixte et je trouve que tous les parfums qui s'en sont inspiré, même s'ils ont tiré le genre vers l'un ou l'autre sexe l'ont été plus ou moins à leurs façons.

Diorella en vintage (absolument en vintage !)continue sur la même voie mais ce serait injuste de ne voir en lui qu'un pendant féminin de l'Eau Sauvage. Roudnitska travailler dans le même esprit mais a réussi à faire un parfum différent, sport-chic mais terriblement couture en même temps ! Oubliée, la poupousse endiamantée, dépassée la chérie envisonnée, il a un côté girl-next-door, cette femme qui passe, toujours pressée, que vous croisez sur le palier entre deux rendez-vous professionnels ou galants, jolie, pratique et qui n'oublie pas d'être élégante. Je pense un peu à Doris Day dans Pillow Talk par exemple. Dans Diorella, les fleurs sont plus présentes, mais c'est surtout la note fruitée, entre melon et pêche, qui me touche, car elle est bien tendre.

Cristalle de Chanel me semble la version la plus austère d'une famille naturellement portée à la joie. Floral, transparent, c'est peut-être est-ce la jacinthe qui lui donne un petit côté distant, presque guindé. Malgré sa joie, sa légèreté pétillante, c'est peut-être le moins chaleureux des Chanel, le plus réservé, celui qui reste sur son quant-à-soi. Définitivement petit tailleur.

L'Eau de Rochas qui joue sur un accord verveine-citron vert avec un cœur rosé est une de mes tentations récurrente ces derniers mois. Elle n'a jamais quitté l'actualité, revenant tous les étés, indémodable, increvable et magnifique. La ressentir l'an passé au bord de la mer, sur une dame âgée très élégante a probablement été un élément déclencheur de ce retour aux sources, aux fondamentaux. Mon Dieu qu'elle était belle, enchanteresse, en pleine nature. Comme beaucoup d'autres parfums peuvent sembler tout-à-cout factice, forcé à côté d'une de ses eaux ! L'eau de Rochas, c'est celle que j'ai toujours vue en jaune et bleu. Allez savoir pourquoi.

Ô de Lancôme, je l'ai toujours aimé, trouvée particulièrement limpide, avec ses accents aromatiques et verts, elle est plus nette, plus aigüe. Peut-être plus lassante. Mais c'est celle qui traînait sur la coiffeuse de ma mère. Joliment faite, elle me semble pourtant un peu en-deçà des autres, atteignant la limite du parfum qui veut rester frais trop longtemps et fini par devenir désagréablement v-crissant, figé. Elle ne franchit pas cette frontière, mais me semble s'en approché dangereusement.


L'Eau du Sud d'Annick Goutal est beaucoup plus récente. Elle ne date pas de cet âge d'or de la fraîcheur que furent les années '70 mais renouvelle la formule Eau Sauvage. L'Eau du Sud est incroyablement naturelle et fluide. Ce qui la différencie vraiment de l'Eau Sauvage, c'est qu'elle déroule ses notes unes à unes, passant du pétillement des agrumes, à la fraîcheur des aromates (que ce basilic est beau !) se fleurissant à peine et mourant sur fond de mousse longtemps après. Très longtemps. L'Eau du Sud tient des jours entiers sur les vêtements, trainant le long des foulards et des écharpes ! Elle a l'élégance évidente des choses simples. Comme la chemise blanche, elle est à l'aise partout, toujours belle, toujours gracieuse. Cette rencontre fut pour moi, non pas une révélation, ni un coup de foudre, mais quelque chose de l'ordre du parce que c'était elle, parce que c'était moi.

C'est amusant ce retour sur moi parce que ça pose question : est-ce que j'ai évolué ? Est-ce que j'ai appris ? Est-ce qu'on change vraiment ? Et puis, surtout, est-ce que ça sert de se forcer, de sortir de son (ou ses) genre(s) ?
Je suis persuadé que la réponse est oui et que c'est le voyage qui compte, pas la destination. Que les rencontres nous enrichissent, qu'il n'y a pas forcément de découvertes plus passionnantes que celle de soi-même et que le parfum rejoint parfois bien curieusement, la vie en général et la philosophie.

vendredi 20 avril 2012

Psychologie (de base)*


La vie n'est pas tous les jours tendre avec nous et parfois, on guette la tuile qui va nous tomber sur le coin de la figure, prévisible, mais pas moins désagréable. Ça a été mon quotidien ces derniers jours et je me suis aperçu que ça jouait sur le choix de mon parfum. Ma main se tendait vers le Goutal, par envie, mais je détournais et allait vers des choses autres : parfums plus froids, plus tendus, qui permettent de ne pas s'effondrer en cas de malheur, qui encaissent et ont du répondant. Quand l'écroulement menace, j'appelle l'iris et le galbanum à la rescousse.

Eau d'Hadrien
En fait, le truc, c'est que pour moi, les parfums Goutal vont avec le bonheur, avec l'idée du bonheur, une certaine confiance en soi, en l'avenir, quelque chose d'heureux, de joyeux, d'insouciant aussi peut-être, que je ne veux pas casser. C'est peut-être lié à des souvenirs joyeux. Eau d'Hadrien = début d'une longue histoire d'amour. Mais pas que. Il me semble qu'il y a une joie de vivre intrinsèque aux parfums qu'Isabelle Doyen a composés pour Goutal. (Du moins, ceux que je porte) C'est quelque chose qui a rapport à leur légèreté, à leur aspect souvent un peu fruité-juteux, garanti sans sucre ajouté, quelque chose qui rappelle l'enfance, les maisons de familles à la campagne, quelque chose qui rime avec l'envie de croquer la vie à pleine dent, comme dans une poire, celle de Petite Chérie ou de Rose Splendide ?, avec le jus qui coule sur le menton et les fous rires qui vont avec.

Eau du Sud
Et puis, il y a cette bonne éducation, ce bon goût dans ces parfums qui fait qu'on ne peut pas vraiment les porter pour affronter la vie et se comporter en bitch. Impossible pour moi d'être dur et sans cœur quand je porte l'Eau du Sud. Par contre, même quand ça ne va pas, j'investi chez Goutal et j'appelle ça me faire du bien, parce que ne plus avoir de Goutal dans mon armoire à parfums, ce serait comme de perdre la foi en l'avenir, ne plus croire au bonheur et aux jours heureux. L'Heure Exquise est probablement l'un des parfums que je porte le moins, mais l'un des flacons que je sors le plus souvent pour le respirer, l'un de ceux dont j'estime ne pas pouvoir vivre sans. Oui, je sais, dit comme ça, ça fait assez toqué, assez hystérique, mais si Mister Phoebus avoue qu'il pourrait partir sur une île déserte avec juste les soliflores Goutal (ici), je suis bien obligé de dire que je suis peut-être embarqué dans la même galère…

*(à la mords-moi le nœud)

mardi 17 avril 2012

Flanker Sportif


Un bonbon à la menthe glacée, un pschitt de déodorant qui sent bon le propre et le frais sur le fond d'a*men et vous voilà prêt pour aller faire du sport. Le nouveau flanker estival du masculin Mugler est impeccable, blanc et brillant comme un survêtement de polyamide. Les amateurs de lycra vont adorer.

A*MEN pure shot, Jacques Huclier pour Thierry Mugler, 2012

lundi 16 avril 2012

Mimosa pour moi


Mimosa pour moi a 20 ans cette année, un anniversaire qu'on ne fêtera probablement pas chez l'Artisan  Parfumeur : ce parfum comme bien d'autre appartient à une autre époque, celle ou la maison s'inspirait de la campagne française, des souvenir d'enfance, d'une nature très XVIIIème siècle, entre Rousseau et Marie-Antoinette, une nature terriblement « toile de Jouy »…

Le mimosa y est stylisé, transparent, délicat, à peine poudré, avec un petit quelque chose de sale en fond qui le rend bien humain et permet de le faire soi sans se sentir déguisé en bouquet géant. Mimosa pour moi nous parle d'été et de soleil en hiver comme les bouquets de mimosa qu'on aime tellement offrir et recevoir dans le nord, ces bouquets qui nous parlent du sud et des beaux jours, qui donnent un air de fête aux journées tristes et grises. Mimosa pour moi est un parfum qui fait plaisir quand les beaux jours se font attendre.




Maintenant, l'Artisan Parfumeur envoie les parfumeurs en voyages, nous parle d'exotisme ou s'adresse à l'international, perdant un peu de son âme et un peu de son charme, c'est bien dommage. Reste quelques petits bijoux, tant qu'ils ne sont pas reformulés comme c'est le cas pour Mure et Musc passé du côté fruité de la force alors qu'il était si délicieusement équilibré, ou retirés de la vente pour faire place à des nouveautés parfois fort peu intéressantes. Mimosas pour moi est l'une de ses petites délicatesses, jolies et bien faites, un de ces parfums typiques de cette période de l'Artisan Parfumeur, celle du parfum pour soi, égoïste, un peu sentimental

mercredi 11 avril 2012

Combien ?


Combien, c'est la question principale, primordiale, celle à laquelle je suis confronté tout le temps que je dis que j'aime le parfum. Combien, les la question à laquelle font face tous les amateurs. Avec souvent un jugement négatif à la clef. Auquel n'a pas droit celui qui se constitue une cave à vin. Allez savoir pourquoi, le parfum étant vu comme frivole, certes, mais enfin pourquoi l'alcoolisme serait-il mieux vu ? Vous me direz qu'on peut aimer le bon vin sans être alcoolique, je vous répondrai qu'on peut aimer le parfum sans être une créature évaporée, décérébrée, dépourvue de toute conscience et de toute humanité.
Beaucoup, c'est au-delà de 3 ou 4, trop quand on atteint la dizaine, passé la quinzaine, on est bon pour l'asile psychiatrique. Pourtant, outre l'aspect « Je l'aime, il me le faut » (si, si, on est comme ça) il y a PLEIN de bonnes raison d'avoir différents parfums. Autant que de vêtements. Parce que, de la même façon qu'on ne s'habille pas pareil en villégiature au bord de la mer et au bureau, qu'on ne va pas négocier un crédit avec son banquier dans la tenue d'un après-midi à la fête foraine avec des enfants, on ne peut décemment pas porter les deux ou trois même parfums tous les jours de toute l'année. Je m'adapte personnellement beaucoup plus aux circonstances qu'à la saison. Je n'ai jamais compris ces gens qui ont « un parfum d'été et un parfum d'hiver » je crois que je comprends encore mieux ceux qui ont un seul parfum.


L'aspect collectionnite aigüe n'est peut-être pas là ou on le croit volontiers : plusieurs jasmins, très semblables mais traité différemment peuvent faire sens à des instant diffèrent : le Jasmin de Goutal, fruité, pétillant, léger n'a rien avoir avec celui d'à La Nuit (Lutens) vert et finalement redoutablement sauvage avec son indole qui le rend sensuel comme un fauve. Sans parler d'un N°5 très « Madame ! » Ils peuvent tous prendre leurs place à des instant diffèrent et l'amateur ne cherchera pas forcément LE jasmin ultime qui surpassera et effacera tous les autres. Non, plus souvent, l'esprit de collection consiste à s'éloigner de son goût et à vouloir quelque chose qu'on n'a pas encore : « tiens, je n'ai pas d'hespéridé/oriental/fleurs blanches/etc. » (ne rien rayer, pas de mention inutile) et à explorer, à sélectionner, à se dire en rationalisant que c'est celui-là le meilleur, celui-là dont on a besoin, alors que finalement, non, pas du tout, on peut très bien vivre toute sa vie dans quelques types, des parfums qui se ressemblent tous. Et finalement, ce serait même ça qui formerait une senteur unique, un cachet, un style.

myrrhe ardente - annick goutal
Combien, c'est aussi, bien souvent, l'affreuse, la vulgaire question du prix. Oui, tout cela coûte de l'argent. Comme tout en ce bas monde. Comme ce cadre au mur qui n'est pas beaucoup plus indispensable. Sans parler des bibelots. De tout ce qui encombre nos existences à tous et qui n'est pas à proprement parler utile, si ce n'est que ça nous ouvre une porte, un horizon sur le « beau » idéal, rêvé, imaginaire, peu importe. Et quand au rapport qualité/prix, j'avoue que cela m'ennuie un peu, je préfère un rapport plaisir/prix. Sinon, quels critères : la beauté des matières, leurs préciosités ? Mais l'exploit ne serait-il pas de tirer les plus beaux effets de matières peu onéreuses même si c'est pour vendre cher, plutôt qu'assembler de jolies matière de manière convenue comme le font certains ? (Oui, je pense à by Kilian) Ou alors l'aspect « il faut que ça tienne et que ça sente fort » qui pousserait à ne porter que des parfums signé Thierry Mugler, imbattable dans ce domaine. Oui, je peux accepter un tarif surfait pour une chose que j'aime, que je trouve belle et qui m'émeut, exactement comme on n'estime pas un tableau selon le prix de la toile blanche et des tubes de couleurs utilisés. Et en même temps, il m'arrive de râler, de protester, de trouver que trop, c'est trop. 

J'avoue que l'envolée des prix en ce qui concerne les vintages m'agace : voir un flacon d'Après l'Ondée à plus de 2000 € (non, je n'ai pas mis un zéro de trop, je voulais bien écrire deux mille) me scandalise un peu. Mais en étant patient, on peut quand même faire de bonnes affaires, se parfumer bien sans se ruiner. Vous me direz qu'il faut aimer collectionner les vieilles choses, vivres dans l'antique. Et ?

vendredi 6 avril 2012

Ma Griffe (Vintage, bien sûr !)*


Ma Griffe de Carven est encore facile à trouver en version ancienne à des prix très raisonnables car sa popularité n'est plus, hélas, ce qu'elle a été. Pourtant, ce parfum a été un succès, pendant longtemps. Pas vraiment plus daté que d'autre, il doit au manque de soutien et au déclin généralisé de la marque Carven d'avoir été oublié alors qu'il fut une valeur sûre de la parfumerie.

Ma Griffe est né en 1946, créé par Jean Carles pour Madame Carven qui connaissait un succès certain avec sa maison de couture. Bien sûr elle n'était pas et ne deviendrait pas Balenciaga, Dior, Fath ou Balmain, mais elle avait sa clientèle de femmes élégantes, jeunes et dynamiques qui n'avait pas nécessairement les moyens d'aller chez ces messieurs et qui voulait une mode plus jeune, plus sport, un peu moins madame. Le parfum ressemble à ceux à la mode à cette époque : un chypré vert avec sa dose d'aldéhydes. Ressemble, mais se distingue et s'affirme. Ma Griffe démarre par une bouffée d'aldéhydes, mais loin de l'effet solaire, doré, du nimbe bourgeois et cossu du N°5, il explore un aspect métallique, incisif, qu'on retrouvera plus tard dans Calandre ou dans Rive Gauche. Le vert s'installe, mais pas de galbanum petit pois ici, plutôt la sauge et ses effets de feuillages exotiques pour un vert chaud qui va révéler les fleurs : jasmin, ylang, rose, mais l'effet général est surtout gardénia. Ensuite, vétiver, tonka, et surtout la mousse de chêne, la vraie, la belle, celle qu'on aime. Evidemment, il y a, dans le parfum, cette patine légèrement poudrée, cette fluidité dans l'évolution, cette complexité typique des anciens parfums qui font toujours paraître les parfums actuel un peu brutaux, heurtés.

On pense un peu à Miss Dior, mais le Carven n'a pas à rougir, Jean Carles l'a fait plus chaud, mais surtout plus libre, moins classique et corseté. Ma Griffe fait irrésistiblement penser à cette image d'Épinal de la parisienne des années '50, pleine de charme, plus que belle, avec du chic et du chien, plus de goût que de moyens, mais qui réussit avec une robe, deux tailleurs et trois foulards à être toujours élégante et surprenante. Son parfum la précède, la suit, annonçant qu'elle a de l'esprit, l'humeur joyeuse et -qui sait ?- peut-être amoureuse.

Ma Griffe, Jean Carles pour Carven, 1946.




* Ce (Vintage Bien sûr !) est un hommage à une incarnation actuelle de cette parisienne idéale qui se reconnaîtra peut-être.

mercredi 4 avril 2012

La titanide est une ogresse !


Pendant que certains jouent à faire des parfums rétros-vintages parce que c'est la mode, Thierry Mugler continue sur sa lancée et crée des parfums titanesque qui partent à la conquête du monde en affichant leur originalité et leur modernité quelque peu synthétique. Womanity jouait sur le contraste sucré-salé pour un résultat «ambiance tearoom, pas élégant mais confortable, au bord de la mer» et n'a pas vraiment réussi à trouver son public : la figue est trop sucrée, le caviar trop salé, que pour séduire l'un ou l'autre camp. La sortie d'une Eau pour Elles devait permettre d'ajuster le tir… Une figue plus fraîche, transparente, lactonique, dégustée sur la plage ne m'aurait pas déplu, hélas, l'ajout d'une note de fraise annoncée semblait indiquer que Womanity basculait du côté sucraillon de la force…



Porté, Womanity m'a transformé en Alice à la poursuite du Lapin Blanc qui serait tombée dans un pot de confiture géant: la fraise est là, collante, épaisse, trop sucrée, écœurante jusqu'à la nausée. On distingue dans le lointain la figue, effectivement plus transparente, et en arrière-plan la note salée désormais bien cachée, mais on aspire surtout à prendre une douche.



Comme tous les parfums Mugler, tenue et puissance sont de la partie, pensez à protéger vos vêtements lors des essais.




Womanity, Eau pour Elles, Christine Nagel & Serge Majoulier pour Thierry Mugler, 2012.


mardi 3 avril 2012

Sérénité


Silences est né à la fin des années '70 et a connu un joli succès dans les années '80.  Floral vert, c'est un proche parent du N°19 qui aurait aussi un cousinage avec Rive Gauche. Il affiche tout d'abord un galbanum vert petit pois, croquant, presque crissant, soutenu par des fleurs -la jacinthe est très présente-  avant de se révéler un iris soyeux et froid qui ne se poudre et reste du côté austère de la force. Par-dessous monte peu à peu une note blanche et métallique, celle-là même qui me fait penser à Rive Gauche) qui soutient l'iris sans le faire tomber dans le cosmétique ou le savonneux. L'évolution est lente, très fluide, il coule et découle sans ces transitions brutale qu'on souvent les parfums actuels.

Silences semble avoir été fait d'après la formule de Diana Vreeland "l'élégance est un refus" tant il oppose aux tapageuses années '80 sa coupe impeccable, son refus des fioriture  pour une sérénité qui semble issue des arts martiaux : un mouvement juste, absolument parfait, exécuté calmement, sobrement sans agitation ou efforts inutiles.  Pour moi, Silences est un parfum intensément serein dont je comprends enfin qu'il était pour moi, comme pour beaucoup d'autres probablement, un refuge contre les orientalisants brûlants, les fleuris migraineux, les powerhouses un peu vulgaires…



 Assez facile à trouver en vintage, puisque la formule actuelle est parait-il désastreuse, il est toujours un rempart contre la facilité, toujours aussi beau, un peu hautain, dans son élégance sport qui regarde vers Suzanne Lenglen ou René Lacoste, toisant les fruitchoulis en jogging lamé et autres gourmandises cheaps et faciles. Silences, comme avant lui le N°19, comme après lui Bas de Soie, est un intellectuel. S'il ne discute pas, c'est parce qu'il sait qu'il a raison. Il ne dit rien, contemple, médite, et hausse parfois les yeux au ciel. De nos jours, bien peu de parfums ont autant de caractère.


 

Silences, Jacomo, 1978