mercredi 29 août 2012

Azzaro pour homme, la suite…


J'ai déjà dit que je trouvais Azzaro pour homme sympathique : simple, un peu brutal, franchement populaire, il est par excellence le parfum « chemise ouverte sur torse velu » un peu lourdingue mais qu'on aime bien sentir à l'occasion comme un clin d'œil. Je me demande toujours comment on peut encore le porter aujourd'hui en dehors d'un détournement de cliché plein d'humour, mais il continue de se vendre, et c'est tant mieux tant il évoque à toute une génération une foule de souvenirs pas forcément glorieux… Le petit ami en Azzaro pour homme n'est pas nécessairement celui dont on exhibe la photo devant ses copine même si ce n'est pas sans un pincement au cœur qu'on repense aux baisers échangés avec lui, à ses brutales étreintes qui faisaient tant vibrer sans qu'on sache plus trop pourquoi tant elle paraissent maladroites avec le recul…

Un tel monument, pour une maison, c'est « jackpot, victoire, hourra ! » Pour un temps. Car vient la grave question de la suite. Azzaro pour homme n'est d'ailleurs probablement pas étranger à la disparition du joli chypré à la pêche '70 juste baptisé Azzaro, parfum simple, bien moins sophistiqué que son ancêtre Mitsouko, mais très plaisant, ou à la disparition d'Azzaro 9, floral opulent, à la fois power house et romantique, comme on savait les faire dans les années '80, contaminé par son aura de succès cheap et passablement vulgaire.

Reste donc l'option flanker à laquelle s'adonne la maison depuis quelques années maintenant. L'an passé, nous avions droit à l'Eau. Un paysage marin, embruns à foison dans lequel on pouvait discerner la silhouette de l'original, macho soudain transformé en adolescent un peu frêle perdu dans l'immensité de ce bord de mer. L'Eau vient trop tard, évoquant quantité de parfums des années '90 et de sa grande vague marine-ozonique, en moins réussi que les originaux. À choisir, j'aime encore mieux un Aqua di Gio ou un Kenzo pour homme, qui ne tentent pas d'incorporer des personnages à leur paysage de bord de mer.

Cette année, Azzaro pour homme Night Time prend la relève. La nuit est beaucoup évoquée ces temps-ci dans le rayonnage des parfumeries, Je ne m'attends pas à quelque chose d'original et je ne me trompe pas : adoucie, rajeunie, tirée vers le sucre, cette version est effroyablement banale, ressemblant à tout ce qu'on voit depuis dix ans. Pour la nuit, Azzaro s'est fait épiler le torse, voilà toute l'histoire, et c'est bien dommage, il ressemble maintenant à tout le monde. Déjà vu, déjà senti, instantanément oublié. Ce n'est jamais facile d'écrire une suite à un best-seller, il eut été préférable de s'abstenir. 

Rendez nous l'homme, le vrai, on moins, on pouvait rire!

jeudi 23 août 2012

dernières sorties


C'est la rentrée ! Le moment ou les magazines doublent de volume, ou les nouveautés emplissent les boutique, ou on retrouve les gens qu'on avait plus vu pour cause de vacances, le moment ou Amélie Nothomb, aussi régulière qu'un métronome, sort un nouveau roman qui raconte brillamment la même chose que tous les précédent ou presque. Tiens, ça ressemble furieusement aux nouvelles sorties en parfumerie ça ! Enfin, sauf que tout ne sera pas forcément brillant… Mais il y aura du flanker à la pelle, du recyclage d'accords déjà vus et des perfumistas qui chercheront quelles sont les meilleures sorties, au moins une en niche et une en mainstream, et qui hurleront que c'était mieux avant, qu'on se moque de nous, etc.

Ava Gardner, flacon de cologne Guerlain.
Eh bien, je ne suivrai pas le mouvement, ni de près, ni de loin. La rentrée, je choisis de m'en moquer, les nouveautés de les ignorer. Peut-être, probablement, je l'espère, y a-t-il dans le lot des nombreuses sorties, l'une ou l'autre perle, l'une ou l'autre merveille. Et j'attendrai qu'elles viennent à moi, ces perles, ces merveilles. Maintenant, plus tard ou jamais. Parce que contrairement au vêtement, le parfum peut se permettre d'ignorer la mode, de durer. Un fleuri sixties, un chypre années '80 ne sont pas vraiment démodé, hors d'usage.

D'ailleurs, comme en mode, ce qui compte surtout, c'est de trouver son style, ce qui nous flatte, ce en quoi on se sent bien, beau et bon, sans l'obligation de ne pas se démoder. Dans le fond, le parfum, c'est comme les livres, on peut passer toutes sa vie en compagnie de bons vieux classiques, édition originale ou récente en poche, on n'est pas obliger de se faire la dernière nouveauté. Je n'aime pas Musso ou Despentes, rien ne m'empêche de me contenter de Marcel Proust et Gaston Leroux. C'est même assez chic. Je n'aime pas Victor & Rolf, ni Jimmy Choo, et bien rien ne m'empêche de rester en Arpège ou en Ma Griffe. C'est pareillement assez chic. Elle est pas belle la vie ?

mardi 21 août 2012

arpège vintage


Avez-vous remarqué comme ces deux mots vont bien ensemble ? Comme ils semblent fait l'un pour l'autre, dans une rime parfaite, musicale, presqu'un mantra, une incantation. À croire que la langue française est allée chercher l'anglais pour le seul profit d'Arpège... (Et je précise que, très diffèrent, le Arpège actuel n'est pas mal du tout. C'est juste qu'il n'a pas grand-chose à voir)
Arpège est le classique des classique. Né à la fin des années folles, il préfigure le néo-classicisme des années '30. Au misérabilisme de luxe de Chanel, au tape à l'œil lamé or des garçonnes Art Déco, Jeanne Lanvin opposait une élégance plus conventionnelle qui séduisait les riches élégantes avec ses lignes adoucies, ses robes de style inspirées des costumes d'époques plus anciennes, sa palette de couleurs subtiles dont le célèbre bleu Lanvin. La muse, l'inspiratrice, l'objet de tous les hommages, de toutes les attentions, c'était Marie-Blanche, la fille chérie, pour laquelle s'était bâti un empire. Lanvin faisait déjà des parfums, mais le chef d'œuvre, la pièce rare, ce fut Arpège en 1927. Pour Arpège, on alla voir du côté des grands floraux aldéhydés dont la mode avait été lancée par le N°5, mais à l'éclat tapageur de celui-ci, à sa splendeur dorée, un peu parvenue, on allait substituer une patine automnale.
J'ai toujours perçu les aldéhydes comme un halo doré : Arpège tire les siens vers des tonalités d'or bruni, une chaleur de soleil couchant qui font osciller discrètement le parfum entre poudreux et savonneux, avant d'enchaîner avec le bouquet ultra-classique rose-jasmin. La rose domine, mais selon les versions, on perçoit plus ou moins le jasmin. La version eau de parfum des années '80 était la plus jasminées selon moi. Le tout est très lié, fondu, pas en une masse compacte mais semble plutôt couler de façon soyeuse sans les pénibles et brutales transitions que beaucoup de parfums actuels nous imposent. Arpège continue sa balade automnale en mêlant les bois à un fond traditionnel ambré animalisé, se donnant des airs de fourrure toute douce. Au final, Ce parfum sent véritablement la grande dame, il est toute élégance, raffinement sans tapage, avec cette assurance innée, cette présence des gens bien nés qui n'ont jamais fréquenté que le meilleur monde, qui savent tenir leur rang, le premier.

Arpège, André Fraysse pour Lanvin, 1927

samedi 11 août 2012

les grandes questions


C'est un peu le quizz de l'été, même s'il n'y a pas de bonnes réponses, le sommet de la futilité en même temps qu'un vaste questionnement existentiel. Des questions, des doutes, des interrogations comme s'il en pleuvait, des prises de têtes, des arrachages de cheveux doublée de cette intime conviction que la vérité est ailleurs…

Dois-je acheter Bandit et un carré Hermès ou un blouson en cuir et l'Heure Bleue ? (Grace Kelly inside Brando ou Brando inside Grace Kelly ?)Quand l'ensemble parfum + fringues est un plantage magistral parce que tout est trop assorti ou au contraire que ça ne va pas du tout ensemble, que dois-je faire : courir dans la parfumerie la plus proche ou me précipiter dans le premier H1M venu pour changement impérieux et urgentissime ? Autres temps autres lieux : je reste moi-même, sublime de singularité, ou je m'adapte, sublime d'élégance ? S'il est bien entendu que je ne peux pas porter une super tenue vintage (smoking Saint Laurent, robe-sac Balenciaga ou robe imprimée Léonard) avec un parfum vintage parfaitement assorti, dois-je oser un moderne avec vibration vintage ou un contemporain totalement de son époque ? [untitled] de Maison Margiela est-il indispensable pour me rendre à un vernissage d'art contemporain ? (Sachant que je ne comprends rien à l'art contemporain mais que l'artiste est mon beau-frère) En cas de rendez-vous avec un créateur, faut-il porter une de ses créations, une création qu'il admire ou quelque chose d'autre, de très personnel ? Quand un très beau parfum n'est pas pour moi, je renonce ou je tente le relooking complet ?

Puis-je décemment porter un parfum torride à la fleur d'oranger (il y a du zizi dans la fleur d'oranger, dixit un homme très averti) alors que je n'ai aucune envie de me retrouver à quatre pattes sur la moquette en criant « prends-moi » ? Et d'ailleurs, si j'ai envie de me faire monter à cru, ne vaut-il pas mieux opter pour l'Heure Fougueuse de Cartier plutôt que pour une fleur d'oranger ?

Peut-on vraiment vivre avec quelqu'un qu'on aime à la folie, qui est parfait à tous points de vue, mais qu'on ne peut pas sentir ? Et le mariages entre toqué du parfum, est-il un modèle de compréhension et d'harmonie ou le partage de névroses se renforçant à l'infini dans une espèce de spirale infernale ? Et se vis avec quelqu'un qui déteste la violette. Je renonce complètement à la violette, j'essaye de trouver un bon compromis ou je demande le divorce ?

Ma meilleure amie a un goût désastreux, vaut-il mieux la reformater ou considérer qu'elle est un parfait faire valoir ? Quand une personne notoirement connue pour son mauvais goût porte un merveilleux parfum, c'est un hasard ? Une preuve qu'il ne faut pas désespérer de l'espèce humaine ? Ou la preuve ultime que je me suis trompé à propos de ce parfum ? Et quand on est Perfume Twins : preuve de bon goût chez l'autre ou honte sur moi ? Le bon gros mainstream, pire : le parfum de célébrité, est-il une preuve d'absence de snobisme ou d'über-snobisme totalement méprisant ?

Vous l'avez compris ; la liste est sans fin. Mais vous, vous ne vous posez pas de questions ?