vendredi 30 septembre 2011

Ceci n'est pas un blog de cul. Mais...


Consulter les statistiques de ce blog peut s'avérer déprimant : on arrive ici en tapant dans Google « Erika baise chez vous », « femme sexiste nue » ou « homme poilu sexy » … Bref, des choses en rapport avec le sexe et j'imagine que celui qui arrive ici doit être à peu près aussi déçu que moi de le voir arriver. Remarquez, ce n'est pas que j'ai quelque chose contre le sexe, j'espère juste ne pas être considéré comme un blog érotique. Mais en même temps, il ne faut pas se voiler la face, je ne vois pas comment échapper au sexe.

Dans les livres pour commencer. Certes, j'ai fait un billet sur Sade qu'on peut qualifier de pornographe, mais le sexe est partout. Y compris, et, Oh combien !, chez Proust qui explore l'amour sous toutes ses formes, de la passion la plus platonique pour une duchesse, aux rapports SM dans un bordel sordide ou de plutôt braves garçons ne comprennent pas qu'on attend d'eux qu'ils soient des brutes et des truands. Remarquez, pas toujours subtil, il m'a fallu un temps pour comprendre que le petit Marcel se frottait sur Gilberte aux Champs Elysée d'une manière fort peu innocente… Et je parle là d'un grand classique qu'on devrait faire lire dans toutes les écoles. Mais qui a valeur d'exemple parce qu'il tente d'embrasser toute l'expérience humaine et que donc l'aspect sexuel doit en faire partie. Je ne parle même pas des romans policiers, surtout récent, il est bien fini le temps ou on tuait par amour pur, on tue de nos jour beaucoup plus souvent par vice… Et je n'ai toujours pas lu la vie (ou les vies ?) secrète (s) de Catherine M. Et je ne le lirai probablement jamais, ça ne m'intéresse pas le moins du monde bien que j'ai déjà lu et beaucoup aimé, car elle écrit bien, il y a fort longtemps un livre de Catherine Millet qui traitait de l'art contemporain.

Et la question du parfum ? Peut-on parler parfum sans parler sexe. En conversant avec d'autres amateurs, la conversation dévie souvent et le langage n'est pas toujours des plus choisi mais il est parfois très parlant : dire d'un parfum qu'il sent le slip sale, que la fève de cacao évoque le cul, etc. Oui, il faut savoir dire les choses platement : le jasmin, on peut dire qu'il est indolique, ou faire des périphrase, employer la métaphore, mais il y a quand même un moment ou c'est plus facile de ne pas se voiler la face et de dire platement que ça sent les matières fécales, la crotte. Le genre d'expression qui peut faire peur, qui dit platement donne envie de partir en courant. Pourtant, il faut rester et sentir, c'est cet aspect qui a fait du jasmin une fleur reine de la parfumerie, c'est cela qui a fait la grandeur de nombre de grandes œuvres.

Lisa Lyon par R. Mapplethorpe
Bon, certains arrivent à ne pas être cru, à ne parler que de certains parfums joliment fleuris et propres, les mêmes qui sans doute aiment les roman à l'eau de rose. Remarquez, je n'ai rien contre les parfums propres, il y a de vraies réussites dans le genre, même si ce n'est pas ma tasse de thé tous ces muscs blancs qui sentent la poudre à lessiver, toutes ces notes d'ozone bien nettes, ces agrumes mignons et frais, ces petites fleurs surtout pas blanches. C'est terriblement puritain comme tendance et assez ennuyeux. Je conçois qu'on en ait un ou deux mais quand même, qu'est-ce qu'on s'emmerde avec ceux-là… Je ne dois pas avoir l'esprit assez corseté, assez victorien, assez puritain pour me contenter de ça.

à l'inverse, les parfums clairement sexuels, bourrés de matières animales (de synthèse aujourd'hui, bien moins torrides), d'épices (comme le cumin qui sent l'aisselle ruisselante de sueur) ou de jasmin très indolique, quand ils ne tournent qu'autour de ça, ce n'est pas non plus mon truc : ce genre de parfum assez monolithique tournant par exemple autour du musc, c'est très beau, c'est très sexy, mais c'est l'équivalant olfactif des chaps, ces merveilleux « pantalons » qui cachent les jambes et laissent les parties « honteuses » à l'air. C'est l'équivalent olfactif de l'exhibitionnisme, se balader avec le sexe à la vue de tous, « écrit partout sur le visage » aurait dit Hitchcock. Personnellement, j'y vois des parfums à porter à l'occasion, mais pas mon pain quotidien…

Je préfère les plus subtils et hypocrites grand parfums qui savent allier les deux, de la même manière que je trouve plus séduisantes les longues jupes fendues haut sur la cuisse que les ceintures un peu larges qui se prétendent mini jupes. C'était une des raisons qui faisait que j'aimais le N°5. Dans le genre Calèche était très bien aussi. Mais même ceux-là semblent en voie de disparition. Plus guère de petits nouveaux et des reformulations à tout va. La mode des monomatières et celle du bonbon collant n'a rien arrangé à l'affaire. Mais enfin, ces parfums-là, je les range dans ce que je nome la catégorie 5 à 7. Les parfums bourgeois, convenables, mais qui ne déteste pas aller à l'hôtel une paire d'heures l'après-midi, histoire de tirer un coup, vite fait, torridement fait.

mercredi 28 septembre 2011

Plaisir coupable

Les néo puritains qu’ils soient religieux ou écologistes adorent Pleasures : il est clean. Emblématique des années 90, il incarne le politiquement correct. Son départ ozone humide et fleurs fraîches qui se pose sur un poivre léger et tient des heures est assez plaisant. Pas très impliquant, mais agréable, présent et tenace. Il est fait pour ces gens qui veulent juste sentir bon, qui considèrent qu’un parfum n’est rien de plus qu’une touche finale à la toilette.

Audrey Hepburn
 Je devrais détester Pleasures, comme je déteste les puritains de tous bords et la simple idée d’une élégance tellement nette qu’elle en devient neutre, pourtant, je ne peux pas m’empêcher de le trouver bien fichu. Sans défaut, trop équilibré pour exprimer autre chose que je sens bon, je le trouve plaisant. Un plaisir coupable, presqu’inavouable.


Pleasures, Alberto Morillas, pour Estée Lauder, 1995

mardi 27 septembre 2011

The final cut


Je me suis mis à la tâche un soir de cette semaine, triant les flacons dans mon armoire, assez vite, me surprenant à arriver assez facilement sous les 10, laissant même de la place pour des parfums à intégrer, finalement. C'est assez simple de savoir ce que j'aime, ce dont j'ai besoin, envie. Il suffisait de s'y mettre, de ne pas être paresseux. J'ai atteint une short list de 5 Parfums (oui, seulement 5 vous avez bien lu) dont je ne peux pas me passer, absolument, sous aucun prétexte, et puis c'est tout, et ça ne se discute pas.

Iris Silver Mist, L'Heure Exquise, Bas de Soie, L'eau du Sud et le Néroli.
Trois Iris, Trois Goutal et deux Lutens. Objectivement, des parfums plutôt froids, pas très sympathiques.

Iris Silver Mist parce que c'est le plus bel iris, que même sans le porter, il faut l'avoir à portée de la main, il pourrait remplacer tous les autres mais il n'est pas très portable en été, c'est là son seul défaut. Son capital sympathie est au plus bas, c'est, par excellence, la monomatière qui se sait sublime et s'abime dans son narcissisme à la limite de l'autisme en niant totalement le reste du monde.

Bas de Soie aurait pu être hors liste, remplacé par le N°19 mais… Coté friendly attitude, on a vu mieux que cet intellectuel austère qui discoure en imposant le silence autour de lui. (« Et baisse les yeux quand tu m'écoute ! »)

L'Heure Exquise est la facette sentimentale de l'Iris, proustienne, gracieuse, maternelle, réconfortante. Faussement rétro : si tous les codes du parfum à l'ancienne semblent y être, sa légèreté, sa transparence qui donne à ses notes poudrées des transparences de mousselines l'inscrivent dans la modernité. Par rapport à sa date de création, il peut sembler rétro ou précurseur suivant que l'on s'attarde sur l'un ou l'autre aspect. Point commun entre l'Heure Exquise et le Bas de Soie à part l'iris, le galbanum. Et ça, c'est vraiment mon désespoir, je n'ai pas trouvé un seul beau vert, un seul galbanum qui me plaise. A Scent de Miyake n'est pas mal, le parfum de Margiela est bien, mais non, ils ne collent pas parfaitement à ce que je cherche. Et je préfère passer et attendre d'avoir trouver celui que je cherche. Se limiter, c'est n'avoir que ce qui correspond entièrement à nos attente. Et ça, c'est bien.

Le Néroli de Goutal, c'est vraiment l'une des toutes belles réussites d'une maison douée pour les soliflores qui n'en sont pas vraiment. Le départ est crissant, plus que frais, et l'évocation de la fleur d'oranger est vraiment réussie : épicée, un peu miellée, mais pas « alimentaire » pour deux sous. Le départ le fait plutôt classer dans les pas sympas. Coté tenue : pas exceptionnelle sur peau mais vraiment longue durée sur tissus. Étrange  Indispensable.

L'Eau du Sud est avec le Néroli le parfum le plus simple à porter. Un peu vert, un peu hespéridé, un peu chypré, il tient des heures, presque des jours sur tissus et succède naturellement à de grands classiques : Pour Monsieur de Chanel, horriblement défiguré par une reformulation qui l'a défiguré, l'Eau Sauvage de Dior qui semble plus monolithique et plus artificielle. Vraiment beau. Je le préfère à l'Eau d'Hadrien car plus complexe. D'autant qu'aussi belle qu'elle soit, l'Eau d'Hadrien n'a aucune tenue. Un internaute très avisé, (oui, Thierry, c'est de vous que je parle) m'a d'ailleurs dit avec sagesse : « quand on a aimé pour Monsieur, Eau sauvage et Hadrien, c'est une évidence ! » Oui, pour moi, ce parfum est une évidence, quelque chose de facile, léger, rieur et terriblement élégant dans sa nonchalance. (Et je précise que la crème pour le corps assortie est plus que réussie : on peut pratiquement passer de la version eau de toilette.)

Je rajoute trois parfums qui sont peut-être susceptibles de changer, d'être remplacés mais qui sont à peu près ce que j'ai trouvés de mieux dans leur genre : à La Nuit, Fracas et Baghari. Tiens, deux Piguet, des anciens, et un Lutens, à nouveau, comme pour équilibrer avec le Goutal de la short list.

À la Nuit est pour moi l'un des plus beaux jasmins actuels. Avec le N°5 que je me refuse désormais à porter, sur lequel il a l'avantage d'être beaucoup plus explicitement sexuel, passé les premier instants un peu verts, il se fait terriblement animal, indolique, semblant très directement dire « ce soir, je baise » en vous regardant droit dans les yeux. Ce n'est pas exactement mon style de jouer les bombasses, mais il peut m'arriver occasionnellement d'être hot. On devrait toujours avoir un parfum torride sous la main. L'avantage du Lutens, c'est qu'avec son coté floral, il réussit à être élégant et à parler de cul avec un minimum de subtilité et de bonnes manières. (Et, oui, j'ai dit un gros mot parce qu'il fout appeler un chat un chat)

Fracas rentre volontiers selon certain dans la catégorie chaudasse, mais pas pour moi, son coté enveloppé, travaillé, le place dans une catégorie élégante assez contenue. En outre, la tubéreuse ne m'a jamais semblé particulièrement sexuelle. Narcotique, hypnotique, fascinante à l'occasion, comme la Tubéreuse Criminelle de Serge Lutens, mais pas si sensuelle même si c'est une bombe qui attend d'exploser. En fait, la tubéreuse pour moi signifie chieuse depuis que je l'ai rencontrée avec Poison en 1985. La tubéreuse se contient parfois, c'est le cas de Fracas, mais avec peine, on sent très bien qu'elle tapote du pied de façon charmante quoi qu'un peu impatiente, mais qu'elle est au bord de l'éclat. La tubéreuse, pas sympathique non plus, est le parfum qu'il faut lorsqu'on veut claquer les portes et hausser le ton. Je dois dire que la capacité de Fracas à diffuser me fascine : voilà un parfum capable de remplir une pièce sans être lourd. Et son intensité ne semble pas varier suivant la distance. Exemplaire là ou beaucoup sont écœurants lorsqu'on approche du porteur, son sillage n'a pas besoin d'en faire trop. Mais à l'avenir, je pourrais tout à fait le remplacer par une autre tubéreuse ou un autre bouquet. La très pure Tubéreuse de Goutal, ou le bouquet distingué du Fleurissimo de Creed par exemple.

Baghari. Je l'avoue, je ne sais trop si me passer de Chanel et continuer un aldéhyde fait sens. C'est Bois des Îles qui me manque le plus chez Chanel finalement. Mais Baghari est assez beau pour me consoler partiellement et assez distinct des variations Chanel pour ne pas entretenir la nostalgie. Ses incontestables cotés aristocratiques, son orange légèrement amère joint à ses fleurs blanches lui donne ce je ne sais quoi de propre mais pas nécessairement pur qui fait l'intérêt de la famille. Voilà un parfum qui sait être hautain mais dont on devine qu'il peut à l'occasion s'abandonner. À peu près aussi sympathique et chaleureux que les bourgeoises très élégantes de Newton qui se font prendre par le premier inconnu qui passe sans défaire leurs brushings.



Je me suis rendu compte en triant que je préférais certains parfums en bougies ou parfums d'ambiance plutôt qu'en parfum pour moi. L'encens d'Eglise par exemple : rien ne vaut la bougie Spiritus Sancti de Trudon. De même, je préfère la bougie Trianon de la même marque et son évocation des jacinthes au Jardin Clos de Diptyque. Et je pourrais multiplier les exemples à l'infini.

Illustations: Helmut Newton


Green


Le duc d'Edimbourg
Byredo est capable de faire des choses extrêmement modernes comme M/Mink mais aussi des choses classiques, intemporelles et peut-être un poil ennuyeuses comme Green. Le parfum commence dans les verts sombres de la sauge et va en s'éclaircissant et se réchauffant vers une note propre et musquée, le tout de façon très conventionnelle. Une petite note un peu sucrée ma fait penser dans ce contexte aux bonbons La Vosgienne. Plus qu'un parfum, c'est une ambiance un peu désuète mais plaisante qui tourne autour du vert, de la nature, du propre. Un de ces parfums rétro-chics qui ont l'air plus anciens que bien des parfums anciens. 

Green est rassurant comme le tweed à la campagne, Philippe Noiret et la famille royale britannique : confortable, solide, on sait qu'on peut compter dessus. Le genre de parfum que j'aime sentir sur une épaule solide plutôt que de le porter moi-même : je ne suis pas vraiment du genre à aimer me balader dans la campagne le weekend.

Green est le parfum que les grandes filles qui n'ont jamais abandonné l'idée que leur papa était l'homme de leur vie pourront offrir à leurs époux.

Green, Byredo, 2008

lundi 26 septembre 2011

JF à vendre au pays d’Hello Kitty


Murakami Ryu, souvent qualifié de punk, est un peu un spécialiste de la dark side de la psyché humaine et de son pays. Il s'entend à fouillé là où c'est sombre et glauque. Dans Love & Pop, il s'intéresse à un phénomène typiquement japonais : la prostitution des lycéennes via messagerie téléphonique.

Hiromi fait du shopping avec ses copines en prévision d'un week end à la mer et voit dans une bijouterie une bague qu'il lui faut et qu'il lui faut tout de suite. Pour ce faire, elle va accepter deux rendez-vous avec des inconnus. La trame de base est simple, on suit la jeune fille pendant une journée, dans les boutiques, les restaurant, le karaoke, le métro, le love hôtel… On suit le fil, assez décousu, de ses pensées, de ses envies, de ses hésitations. L'histoire est entrecoupée de morceaux de chansons, d'énumération de marques, de bribes de conversations ; ce qui pourrait sembler lourd mais a plutôt pour effet d'aérer le récit tout en l'encrant dans le quotidien et la banalité. Murakami n'est jamais pesant, ce que je lui reprochait un peu dans sa trilogie consacrée au sexe, à la souffrance et à la mort, et banalise volontairement le comportement de Hiromi, sa quasi absence de scrupules, de morale ; sans jamais se poser en juge, plutôt en cherchant à l'accompagner, à explorer avec elle en cherchant juste à découvrir ce qu'il peut bien y avoir derrière le comportement de son héroïne adolescente, semblable à tant d'autres.

Le roman est court, 220 pages, plaisant à lire et pose des questions. Quant à la prostitution bien sûr, mais pas seulement. Il pousse vraiment, comme souvent avec cet auteur, à des remises en question, peut-être plus facile parce qu'il y de la distance, puisqu'on peut toujours se dire que cette société n'est pas la nôtre, mais l'exotisme n'est que de façade. C'est assez vite lu, plaisamment et facilement. Peut-être une bonne idée de lecture scolaire ?


 

Murakami Ryu, Love & Pop, 1996 pour l'édition originale, disponible en Picquier Poche

dimanche 25 septembre 2011

Collection: Less is More

Forcément, dans la vie du passionné, il y a un moment ou on constate une tendance à l’accumulation,  l’exagération, ou on se laisse déborder envahir. Une collection se constitue, envahissante, ingérable. La question du nombre se pose inévitablement. Personnellement, ce n’est pas l’exagération en soi qui me préoccupe ; je me soucie fort peu d’être déraisonnable.  C’est le rapport à l’objet, le plaisir qui en est retiré. Que signifient ces flacons de parfums cachés dans mes armoires. Que m’apportent-ils vraiment ?

Au nombre de 50, il était temps de me poser la question. Temps de me dire que c’était trop, qu’il y avait de mauvais choix, fait dans l’emportement, sans cohérence avec l’ensemble,  sans rapport avec moi. Les bonnes occasions ont fait le larron : il y a les « introuvables ailleurs que je dois absolument prendre parce que je n’aurai peut-être plus jamais l’occasion », les « bonnes affaires » etc. Niches, mainstream, tout y passe, tout est bon. De la simple odeur agréable au parfum qui est bien, vraiment bien, mais que je ne porte pas parce qu’il n’est pas vraiment moi, qu’il ne me correspond pas. Je trouve tragique d’accumuler les chefs d’œuvre et de les laisser rancir dans un placard, un beau parfum mérite d’être porté. Je trouve honteux de faire cohabiter certaines révélations quasi mystiques avec des parfums justes agréables, faciles, bien foutus, pas géniaux, mais bon… J’en ressens un affreux écœurement. Une histoire d’amour qui se dévoie.

Je ressens intensément le besoin de faire un tri, de réduire drastiquement le nombre de mes achats, pour que chaque acquisition soit importante, mais aussi, le besoin d’éliminer, de trier, d’épurer, pour revenir à l’essentiel et au plaisir. Effectivement, le moins est bien le plus quand il permet l’expression d’un goût authentique. Souvent, je le pense sincèrement, l’absence de moyen est une excellente formation du goût parce qu’elle oblige à faire des choix, permettant ainsi à une véritable élégance d’émerger. Les épicuriens étaient frugaux, ce n’était pas sans raison.

Restent des tas de questions : Que garder ? Quels critères adopter ? Restreindre, oui, mais comment ? Et à combien ? Faut-il un parfum pour chaque circonstance de la vie, du plus formel ou plus casual, en passant par le sport, tout ça en tenant compte des saisons ? Faut-il se concentrer sur une famille et ses 1000 nuances et variations ou au contraire choisir un représentant de chaque famille avec le plus grand soin ?  (Et là, on retombe facilement dans la bonne excuse : « ça je prends parce que je n’ai pas de vanille » et « ça je prends parce que j’en ai déjà qui ressemblent, mais j’adore le galbanum »…) Je n’ai pas vraiment de réponse, pas pour moi. Pas maintenant.


jeudi 22 septembre 2011

Mise au vert

L’automne arrive, l’automne est là. Pour certain, il est temps de penser parfum fourrures ou chypres élégants. Pour moi, il est temps de me mettre au vert et de revisiter les eaux. A moi la fraicheur des colognes et la grâce acerbe du vert. A moi, ces parfums que l’on qualifie d’estivaux, qui sont bien en été mais peuvent jouer une toute autre partition lorsque les températures baissent, révélant une élégance certaine, un chic affirmé, prolongeant les splendeurs de l’été, affichant une superbe orgueilleuse au cœur de l’hiver, loin des compromis. Je ne boude pas une soirée au coin du feu avec un bon livre dans ma robe de chambre saturée d’Arpège, mais j’aime sortir en compagnie de ces altières et froides beautés.


Appolon et Daphné, Le Bernin

L’eau de Lierre de Diptyque fait partie de ces parfum qui gagnent à l’arrivée de la saison fraîche, comme si d’être en harmonie avec la météo lui permettait de s’exprimer mieux. Le départ est assez acerbe, terriblement vert, avec un galbanum tout en feuilles et cosses de petits pois. C’est humide et frais comme ces murs auxquels les lierres s’accrochent. Est-ce le soleil qui monte ? Mais l’Eau de Lierre s’adoucit peu à peu. Elle reste pourtant un parfum végétale et humide, teinté de vert sombre, mais les muscs, les bois contribuent à lui donner un coté rassurant, presque moelleux, terriblement confortable. C’est un banc au soleil a l’abri du vent qui permet de profiter de la chaleur du soleil dans l’air transparent de l’hiver. Un moment silencieux, serein.

L’eau de Lierre, Diptyque 2006

mercredi 21 septembre 2011

Jamais sans ma gaine?

J’adore le V&A, immense palais victorien dont on n’a jamais fait le tour qui se voue aux arts appliqués, ou décoratifs, mais les deux appellations semblent honteusement péjoratives, ou pendant des heures j’aime me balader contemplant meubles, argenterie, vêtements, statues, bijoux, paravent, jouant à monter une chaise en kit du XVIIIème siècle (plus compliqué que les kits Ikéa !) ou essayant sans succès de nouer un obi, à la plus grande joie des touristes japonais qui m’ont croisé ce jour-là. Le musée vaut aussi par son bookshop, forcément en anglais, mais bon, même moi, je peux lire ces ouvrages dans la langue de Shakespeare, qui regorge de livres absolument passionnant sur le mobilier, la décoration, les collections et la mode. (Soyons juste, la librairie des Arts Décoratifs à Paris est bien aussi).

J’y ai trouvé, ou plutôt retrouvé l’ouvrage d’Anne Fogarty que je me suis enfin décidé à acheter. Publié en 1959, the art of being a well dressed wife est un de ces petits bijoux de guide comme les anglaises semblent les adorer. (C’est en Angleterre que ce genre d’ouvrage s’écoule comme des petits pains, dixit un ancien Vogue) Perso, j’adore aussi à tous les degrés, parce que j’aime le chiffon et ce qu’on écrit à son propos, surtout dans ce ton un peu sentencieux qu’ont toujours rédacteurs et rédactrices de ce genre de guide, ton qui rend involontairement les ouvrages assez drôle avec le recul des années. La mode changeant, c’est typiquement le genre de livre qui vieillit terriblement vite. Mais en même temps, c’est une mine d’information sur le passé, les mœurs et les vêtement, au même tire que le cinéma et bien plus que les magazines de mode. Si quelqu’un a jamais trouvé que la rue ressemblait à une page du Elle spécial mode du mois de septembre, il n’habite clairement pas dans le même rue que moi…

Anne Fogarty était styliste pour les magasins Saks. L’ouvrage est daté de 1959, pile poil le moment ou commence la série Mad Men, si vous voulez un look Betty Draper, voila ou allez chercher des idées. Clairement, il est terriblement daté fifties et New Look plus qu’années ’60 et révolution. L’intitulé en dit long, c’est un ouvrage pour les épouses, même si elles travaillent, absolument pas féministe : la femme se doit de plaire à son seigneur et maître qui sera fier d’elle. Le wife-dressing est défini comme "a contributing factor to a happy marriage." WAW! Oui, c’est rétrograde et sexiste. Ça ne renvoi pas nécessairement la femme au rôle d’objet sexuel, mais bien  à celui de bonniche ou de servante. Mais une servante qui doit plaire, d’ailleurs, Anne conseille de se lever 20 minutes avant l’époux pour avoir le temps d’enfiler de jolis vêtements pour le petit déjeuner et de se refaire une beauté, pas question de cuire les œufs brouillés de monsieur sans avoir passé une brosse dans ses cheveux et sans s’être mis du rouge à lèvre. Et là, toutes les filles ou à peu près doivent être contentes d’avoir échappé à ce genre de chose. Ça fait tout de suite chuter la nostalgie qu’on peut éprouver envers le New Look. Pourtant très joli, mais…

Coté bon conseil, l’ouvrage tourne surtout autour de « le bon vêtement pour la bonne occasion » de façon un peu excessive : pour un voyage de 10 jours, Madame Fogarty prend 18 robes et 20 paires de chaussures. Je n’ai pas 20 paires de chaussures dans ma garde-robe. Peut-être que je n’ai rien à me mettre ou peut-être qu’Anne n’est pas très réaliste… Le conseil majeur et absolu, c’est "JAMAIS SANS GAINE." Je ne commente même pas. Sinon, les conseils en soi ne sont pas mauvais et le ton est plutôt sympathique. Les cotés agaçant sont dus à l’époque, pas vraiment à l’auteur. Et certains conseils sont toujours d’actualité. Privilégier la qualité, par exemple : c’était vrai et ça l’est encore. Il vaut mieux un bon coton bien taillé qu’une mauvaise soie mal bâtie : vrai en 1959, en 1982 et en 2011.

Tote-bag - I sincerely believe is the best thing that happens to wwoman since the vote.

Au second degré, prendre le livre comme petite bible rétro pour un après-midi entre copines peut-être amusant. L’ouvrage, lu sans espoir d’y trouver la moindre aide quand à la façon de s’habiller est plaisant et instructif, comme une petite incursion dans la vie de nos grand-mères, parsemée de "Oh My God, Anne, redescends sur terre s’il te plait !"

Anne Fogarty, The art of being a well Dressed Wife, V&A Publishing

January Jones dans Mad Men


mardi 20 septembre 2011

Glamour à Londres...

Joan Crawford
Je suis allé quelques jours à Londres. Curieusement, la ville au contraire de Paris ou j’aime flâner, me transforme en rat de musée, courant les expos et les collections permanentes, peut-être parce que c’est gratuit et que je me dis, juste un petitt tour rapide à la National Gallery pour dire bonjour aux époux Arnolfini, l’un de mes tableaux préféré, et puis finalement, tant qu’à faire, j’irais bien voir cette section du musée que je connais mal et…

Il y a en ce moment à la National Portrait Gallery une expo Glamour of the Gods qui est à tomber par terre, et donc à voir absolument ! Pour peu qu’on soit sensible au glamour hollywoodien. Une collection de portraits d’acteurs des années ‘20 aux années ’60. Un travail fascinant sur l’image et la beauté, le Glamour à l’état pur, là ou il a été inventé, par ceux qui l’on inventé. Et c’est tellement mieux que ces images photoshoppées qu’on nous donne à voir aujourd’hui en essayant de nous faire croire que c’est vrai, que c’est possible… Le glamour, c’est le pur artifice, la forme de beauté la plus travaillée qui soit, totalement coupée du réel. Éclairage, maquillage, costume, pause, tout contribue à nous éloigner. Et c’est merveilleux. Et sans cette culpabilité due aux injonctions de la soi-disant beauté actuelle présentée comme humaine et possible.

Autre expo, peut être moins indispensable : the House of Annie Lennox. Pour les fans, à la base, bien sûr, mais les autres aimeront aussi. J’ai toujours admiré Annie Lennox, sa capacité à s’incarner dans différents personnages. C’est une beauté expressive, une démarche artistique. Elle fait partie de la même génération que Madonna, la génération du vidéo clip et du changement de look. Elle a su imposer une image forte et multiple. A la différence de beaucoup, une image qui ne vise pas à faire sa promo en tant que bombe sexuelle, même si cet aspect existe (I need a Man) ce n’est qu’un aspect parmi d’autre. A défaut d’aller voir l’expo (Costumes, vidéos, photos, et l'installation d'une maison et d'un bureau...) et le reste du musée qui en vaut la peine, allez voir l’ensemble de ses vidéos !

Ici, je mets Precious, pas forcément la plus réussie, mais que j'ai beaucoup aimer au moment de sa sortie.





L’expo Annie Lennox est au V&A ou j’ai aussi acheté des livres parce que la librairie est fabuleuse, je vous raconte ça dans un prochain post !

jeudi 15 septembre 2011

Article au vitriol ?


Je n'avais pas particulièrement envie de commenter Vitriol d'œillet, le dernier Lutens export parce que j'en ai assez des articles obligatoires sur les blogs du genre « louons le dernier Lutens ou au moins ayons un avis dessus. » Mais j'ai quand même un peu envie de dire que je ne l'aime pas.

Oui, je l'ai senti, oui, j'ai un avis dessus. Mais déjà sur la littérature lutensienne que personnellement j'adore sans toujours la comprendre. Tant qu'à communiquer sur ses inspirations, autant le faire à grand renfort de bons auteurs plutôt que parler de sublimation de la sensualité comme pour 90% des lancements. Je n'ai rien contre la sublimation de la sensualité, mais ce n'est pas mon univers quotidien, et ça ne me fait pas beaucoup rêver. Et je ne pense pas que 90% de la population rêve d'être une bombasse à temps complet, la plupart des gens ont quand même d'autres centres d'intérêt. Je veux bien que selon Freud tout soit sexuel, ou peut s'en faut, mais aucun parfum prônant le tout sexuel ne m'a jamais semblé faire référence aux théories freudiennes, et je ne parle pas d'en avoir la complexité.

Oeillet, Redouté
Il y a l'odeur, bien sûr, enfin et seulement. J'avoue l'avoir senti une première fois dans une condition caniculaire qui ne lui valait rien : je n'ai senti qu'une bouffée de poivre noir du Sichuan. Une bouffée mais pas plus. J'aime bien le poivre, mais c'est un peu court. D'autant que j'aime l'œillet et que j'espérais vraiment trouver enfin un bel œillet sombre, ténébreux. L'explication servie par la pythie du Palais qui daignait me transmettre la bonne parole du grand homme « c'est un œillet TRES en colère » ne me convainc pas du tout ! Nota Bene au passage : dans ses robes noires, la pythie en question ressemblait beaucoup à Helena Bonham Carter crachant ses répliques dans Harry Potter. Je n'ai jamais aimé Helena Bonham Carter et j'ai passé l'âge d'Harry Potter. De toute façon, ce qui peut séduire au cinéma peut nettement moins séduire dans la vraie vie, particulièrement lorsqu'on est une vendeuse s'adressant à un client.

Autres essais et derrière ce départ de poivre, j'ai pu découvrir enfin une odeur très plaisante, florale qui m'évoquait un ancien parfum de grand-mère, dénichée dans un flacon vide, ou mieux encore sous forme de savonnette parfumée. (Myrurgia avait quelque chose de très proche que j'adorais, je ne sais si cela existe encore…) Quelque chose qui sent l'œillet, vaguement, quelque chose de très transparent, un peu aqueux. Et voilà ou les ennuis commencent.

Certes, je sens bien une odeur d'œillet à force de la chercher. Et cela me fait penser à mon mémoire de fin d'étude qui était bourré de statistiques, terriblement exactes et scientifiquement parlant indiscutables, mais que j'avais tournées et retournées dans tous les sens pour leur faire dire ce que je voulais. De même cet œillet, je l'ai senti à force de le chercher et de fouiller le parfum à sa recherche. Déjà, plutôt moyen.

Les deux phases du parfum ne m'ont pas du tout semblé en harmonie. C'est peut-être une question de saison, mais le poivre écrase vraiment le fond vieillot. Ce qui n'est pas plus mal, sinon, il n'y aurait quasiment rien à sentir tant ce fond est discret, éteint. Et j'ai beau adoré ce genre d'odeur, je n'ai pas envie de consacrer mes économies à sentir la vieille madrilène bien lavée pendant deux heures, le nez collé sur la peau. Parce que pas de sillage, ça m'embête un peu. Et qu'en plus, on ne puisse parler de parfum de peau, à peine de trace sans la moindre tenue, j'ai un peu envie de crier à l'arnaque. Quand à coller au discours littéraire, non, rien ne m'a évoqué la décadence littéraire dans ce parfum. La décadence des Salons du Palais Royal, tout au plus.





samedi 10 septembre 2011

Petit tour en librairie – Encore du Vargas


La rentrée littéraire m'ennuie : les mêmes romans partout sur les présentoirs partout. Et les mêmes auteurs partout dans la presse, qu'on en dise du bien ou du mal d'ailleurs. Et non, je n'ai pas envie, du tout, de lire le dernier opus d'Amélie Nothomb. Je lui trouve énormément de talent dans l'écriture, mais rien à dire. Soyons honnêtes, ses mini-romans sont rares et inconsistant, à peine des nouvelles, et je n'en peux plus de ses souvenirs d'enfance qui s'étalent. C'est du gâchis de talent quand on sait si bien écrire et de façon si intelligente.

Le dernier Murakami me tente. Mais 1Q84 à 25€, le volume, sachant qu'il y en a deux et qu'il en viendra encore deux, je trouve ça un peu exagéré. Oui, le livre est cher et c'est énervant, du coup, je ne lis plus que des poches, moins chers et plus pratiques. Et des Pléiades, pas tellement moins raisonnables par rapport aux grands formats, pratiques à ranger dans un petit appartement et avec une édition qui vaut vraiment la peine. (Oui, je fais partie des gens qui lisent parfois les introductions et consultent éventuellement les notes !)
Mais j'ai quand même fait quelques achats : un Murakami Ryu, le punk, pas Haruki le poétique, celui qui est un peu trash/violent mais que j'adore, un Anne Perry même si j'en ai un peu marre de ces éternels policiers historiques qu'on nous sort à la chaîne, mais Perry, je la trouve douée et c'est autre chose que du victorien, cette fois puisqu'elle va à Byzance. Une époque qui me fait assez facilement rêver. Comment ne pas tomber amoureux de Sainte-Sophie ?

Et deux Fred Vargas. Oui, encore du polar. Et encore du Vargas. Mais maintenant je les achète parce que j'y ai vraiment pris goût alors que j'étais plutôt réticent. Le polar, à la base, je me méfie : c'est souvent mal écrit, ou mal traduit, et très anecdotique, vite lu, plaisamment parfois, mais encore plus vite oublié parce qu'une fois le coupable trouvé, on se rend compte qu'il n'y a plus grand-chose d'intéressant. Mais il y a les auteurs vraiment intrigants, ceux qui font vraiment flipper, tiennent en haleine. Et il y a les auteurs qui ont un univers, de vrais personnages qu'on prend plaisir à suivre. Fred Vargas fait partie de la deuxième catégorie, ses intrigues, je m'en fiche royalement, j'aime juste retrouver son monde, assez poétique pour un monde de flic, un peu fantastique parfois, fouillé, pittoresque, et une jolie langue ou le mot est juste, la description précise et jolie. Du roman français comme on l'aime.

NB : Je ne suis pas snob à la base et je n'aime pas parler de paralittérature, pour moi il y a juste la littérature, je trouve l'expression condescendante. C'est vrai qu'il y a une différence de qualité mais elle me semble plus due au mépris pour les genres que liée aux genres. Puisqu'il s'agit de sous-littératures pour les idiots, on bâcle les traductions, on édite des choses mal écrites, etc. Forcément, ça décrédibilise et ça entretient une médiocrité qui nuit aux genres…

jeudi 8 septembre 2011

Baiser Volé


Cartier nous fait son cinéma, un cinéma curieusement moins glamour que ce à quoi on pourrait s’attendre. Baiser Volé commence par un plan rapproché sur un lys à peine ouvert, humide de rosée. Un long travelling arrière nous révèle que le vase de lys décore une loge d’artiste : poudre qui s’est déposée un peu partout et fard gras. La femme qui traverse ce décor est un petit rat de l’opéra : très jeune, gracieuse, timide, amoureuse de son cousin qui l’a embrassée en vacances chez leur grand-mère à la campagne. Le cinéaste est forcément David Hamilton.

Baiser Volé évoque d’abord Anaïs-Anaïs de Cacharel avant de partir du côté du Lipstick Rose, sorti chez Frédéric Malle, dont il réinterprète le thème cosmétique avec une délicatesse et une subtilité extrêmement séduisantes. Si Cartier de Lune était un coup dans l’eau, ce Baiser est une jolie réussite à laquelle on souhaite de trouver son public.  

Baiser Volé, Mathilde Laurent pour Cartier, 2011


illustrations: David Hamilton

mercredi 7 septembre 2011

Calèche

Le Calèche que j’ai senti dans mon enfance évoquait une bourgeoise parisienne élégante, bien peignée, propre sur elle mais qu’on soupçonnait vaguement de sortir d’un 5 à 7 crapuleux. Un grand floral aldéhydé, sale par en dessous comme son ancêtre lointain le N°5.

La version actuelle a perdu une dimension, les aldéhydes sont là, savonneux au possible, les fleurs aussi, bien présentes, irisées, poudrées, mais le fond manque à l’appel. Calèche évoque désormais un bain moussant, très luxueux certes, une provinciale en tailleur marine et talon plat qui se rend à la messe.

Calèche, Guy Robert pour Hermès, 1961

Haute Société

Evelyn Jarrold a 40 ans, elle est veuve, belle, mondaine accomplie, bourgeoise comblée et respectable. Elle est aussi coquette, légère et égoïste.

Miles Vane-Merrick a 25 ans, il est beau, enthousiaste, partisan engagé de réformes politiques de gauche, c’est un intellectuel et un idéaliste.

Forcément, ils se rencontrent, s’aiment.

Mais heureusement, Sackville-West, ce n’est pas Barbara Cartland. La fin est prévisible, leur histoire est condamnée d’avance. Tout l’enjeu pour le lecteur est de savoir qui souffrira le plus, lequel sera le plus noble, qui grandira, gagnera en maturité. Au départ, j’ai eu un peu de mal parce que le roman commence un peu comme un cliché. Et j’e n’ai pas vraiment réussi à m’attacher à l’un ou l’autre personnage. Mais il y a le charme de l’écriture ou l’auteur ne s’identifie pas à ses personnages, reste extérieur, critique et un peu ironique sans tomber dans la caricature. Et il y a le charme factice de cette société élégante des années ’30 joliment critiquée, démontée sans tomber dans la caricature. Pas indispensable, mais plaisant.

Vita Sackville-West, Haute société, 1932. (Disponible au Livre de Poche)

épuration (ceci n'est pas un article politique)

L'élégance est un refus
Diana Vreeland



Je suis du genre à accumuler, entasser, emmagasiner, essayer toujours plus, autre, plus neuf, plus beau… Et régulièrement, je me fais une petite cure d’épuration comme d’autres font carême. Une subite envie de moins, pour mieux, de nouvelles bases sur lesquelles repartir. En réalité, il s’agit plus de revenir à mes fondamentaux, ce qui est moi, me correspond. Ne me demander pas pourquoi il n’en va pas ainsi tous les jours de toute l’année… Curieusement, le plaisir pris à m’alléger est aussi grand que celui de ces mois, de ces années, consacrés à accumuler. Je jette, je donne avec un réel plaisir.








Rayon chiffons, moins de "déguisements", plus de simplicité de coupe, de matières solides. Sobre, casual, peu élégant mais facile à vivre et durable. Mais en fait, ce sont souvent les plus vieux qu’on aime le plus, qui nous vont le mieux. Les fringues neuves qui ne sont pas exactement mon genre, je finis toujours pas leur trouver un défaut, même minuscule, alors que quand j’aime vraiment, que je me sens bien, je peux accepter l’usure et les réparations sans problème. En fait, le côté usé, authentique des choses qui ont vécu, c’est un plus. Et j’adore l’idée qu’un vêtement traverse les époques. De même que j’adore qu’un vêtement possède une histoire. Le caban de marin, je trouve ça beaucoup plus intéressant que la pure création de styliste. (Mais que Saint Laurent se soit pencher dessus est un plus, nous sommes bien d’accord) Vive le basique ! L’utilitaire !

Côté parfum, je suis pire. Parce que j’ai plus de mal à me dire que ça ne me va pas, que je ne me sens pas à l’aise. Plus de mal à accepter qu’un chef d’œuvre n’est pas pour moi. Alors, je me berce de l’illusion qu’il suffira que le bon moment se présente. Pourtant, il y a des choses évidentes à comprendre : je ne serai jamais une bombasse en musc, je ne sais pas flirter en violette… Et surtout personne n’a besoin de 215 parfums différents. (Je vous rassure, ce chiffre ne correspond pas à une réalité)  Quelques-uns suffisent pour faire face à toutes les occasions de la vie. Et un parfum un peu cool, facile, discret peut faire toutes les circonstances même si on s’ennuie beaucoup ! L’idée de n’en avoir qu’un ne me traverserait pas l’esprit ! Mais moins et plus adaptés, oui !

J’aime et je me sens bien : dans des frais, des eaux chyprées, aromatiques, bourrées d’hespérides. Souvenir : l’Eau Sauvage a été mon premier parfum, celui qui m’a suivi pendant 15 ans. Vent Vert a été mon compagnon jusqu’à sa reformulation désastreuse. Pour Monsieur, Chanel, l’Eau de Campagne de Sisley, L’Eau d’Hadrien d’Annick Goutal, m’ont suivi un peu moins longtemps, mais c’est évident qu’il m’en faut ! En ce moment, craquage sans scrupule pour l’Eau du Sud de Goutal : tout ce que j’aime. Un internaute très avisé m’a dit qu’après ce que j’avais déjà aimé, c’était évident, un aboutissement. Il avait entièrement raison. On devrait plus souvent écouter les sages avis.

Indispensable aussi, mes éternels et merveilleux iris. Je ne peux pas m’en passer. Un seul pourrait faire l’affaire mais le plus beau, le plus WAW, Iris Silver Mist de Lutens, n’est vraiment beau qu’en hiver. Bas de Soie est gracieux par toutes les températures et possède ce galbanum que j’aime temps et cette affirmation catégorique, ici un peu hystérique, qui me plait tant. Mais l’Heure Exquise, tellement proustienne, gracieuse, tendre a aussi ce départ en galbanum. Et Hiris d’Hermès est si facile à porter… Mais L’Eau du Sud est aussi très facile à porter. Bon, s’il ne devait y en avoir qu’un, ce serait probablement Bas de Soie. (Mais il ne doit pas y en avoir qu’un !)

Des floraux, ça, bien sûr qu’il en faut ! On a toujours besoin d’un floral ou deux. Un capiteux : le jasmin d’à la Nuit, très animal après un départ presque vert, qui pour moi remplace les orientaux. Un bouquet aldéhydé parce que c’est toujours élégant et qu’on a toujours besoin d’un truc un peu complexe et sophistiqué dans sa garde-robe. Baghari pour le printemps-été, Arpèges pour l’automne hiver. Une tubéreuse, c’est bien aussi à avoir pour une très mauvaise raison : c’est LE truc qu’il faut avoir quand on veut faire la gueule : dans la tubéreuse, il y a de l’orage, de la colère, du pied qui tape, des doigts qui pianotent et d’infinie réserve de mauvaise foi.  Et moi je dis qu’on a toujours besoin d’un peu de mauvaise foi ! Et d’une très bonne excuse pour s’offrir un parfum de plus. THE tubéreuse, pour moi, ce sera Fracas et son coté « grande dame qui se contient » parce que les cris, les grands gestes, ce n’est pas mon genre. 

MMMM on n’est pas vraiment dans le minimalisme n’est-ce pas. Pourtant je vous jure que ça réduirait considérablement ma garde-robe de me limiter à ça: 5 parfums ! (On peut quand même ajouter le Néroli? Et...)





mardi 6 septembre 2011

Robert Mapplethorpe, Ken Mood and Robert


Mapplethorpe a atteint une perfection formelle dans ses photos, aussi bien dans les portraits, les images de fleurs que dans la pornographie. Tout est net, clair, bien découpé, parfaitement cadré. Rien à ajouter, rien à retirer. Posséder un recueil des ses photos m’est indispensable pour ne pas me perdre en chemin.

Mapplethorpe de Robbert Mapplethorpe, TeNeues, 2007


lundi 5 septembre 2011

Inspiration fifties : Jeans, T-shirt, simple & casual...

James Dean et Natalie Wood

Marilyn

Brando


Parfum de vamp

Mon Parfum Chéri par Camille porte le nom le plus mièvre de toute la parfumerie alors qu’il offre à la maison Goutal ce qui lui manquait : un vrai parfum de bad girl, un parfum qui fera dire "salope" derrière la femme qui le porte, un salope, hargneux,  plein d’envie, de jalousie.

Une base de patchouli donne le ton dès le départ, véritable colonne vertébrale du parfum. Un patchouli « vieille baraque » un peu moisi, un peu poussiéreux, résolument vintage, hommage à la résidence de Gloria Swanson dans Sunset Boulevard ? Aussitôt est balancée la prune, pas le fruit croquant, spécialité de Goutal, ni le confit sensuel de Femme de Rochas, non, plutôt l’alcool, un peu cheap, qu’on sert dans un bar un peu louche. Et c’est vraiment le verre qu’une serveuse hargneuse vous envoie à la gueule. Bette Davis dans Human Bondage, roublarde, garce, manipulatrice ?


Pola Negri

Ensuite, quand on ne s’y attend pas, monte une senteur fleurie irisée poudrée terriblement grande dame, froufrous de soie et négligé de satin. C’est doux, enveloppant, un peu sombre, avec des cotés boisés fumés. Plan fixe sur une vamp de l’âge d’or hollywoodien. Brunes, blondes, rousses, elles semblent toutes postuler pour le rôle, Marlene, Pola, Rita, Theda…. Mon parfum Chéri n’est pas un parfum pour « tous les jours » vraiment pas, c’est un parfum glamour qui transfigure comme un éclairage violent, sublime la personnalité en la distordant quelque peu. Mon parfum chéri est hanté, peuplé de fantômes, pas exactement facile, mais hautement addictif.

LE parfum à ne pas manquer en 2011. Quelle misère que je n’aime pas le patchouli !

Mon Parfum Chéri par Camille, Camille Goutal et Isabelle Doyen pour Annick Goutal, 2011.

samedi 3 septembre 2011

Jane Fonda

Je suis littéralement tombé amoureux de cette série de photo de Jane Fonda. Les photos auraient pu avoir été prises hier. Ou même demain. Tout est parfait. Magnifique. Rien a en dire, les images parlent d’elles-mêmes.






vendredi 2 septembre 2011

The September Issue

C'est reparti, comme chaque année, en septembre, les magazines de mode enflent, les blogs publient à donf, c'est la nouvelle année de la rédactrice de mode, la nouvelle édition de la Bible Fashion et de ses X commandements. On en a même fait un film à voir ABSOLUMENT. Il fut un temps ou c'était terriblement excitant. Maintenant, c'est juste plaisant à voir quand de bonne équipe font de magnifiques photos mais plus du tout inspirant. Les plus culotté nous font les 10 tendances à suivre, les autres font 40 ou 50 looks. Et ça ne rime plus à rien. 

De son temps, monsieur Dior en véritable démiurge, lançait trois tendances dans une collection et bouleversait tout l'année d'après. Les rédactrices suivaient, l'élite adoptait et le reste du monde essayait de suivre. Je schématise, mais à peine. Puis il y eu le prêt-à-porter, et la révolution Saint Laurent en 1971, la collection Libération, de bric et de broc, rétro, inspirée de la rue... La rue était au pouvoir et ne l'a plus vraiment lâché. Va et vient d'inspirations... Ce n'est pas pour rien que les blogs de StreetStyle se multiplient. Parce que c'est là qu'est la mode. En ce moment, je regarde Hel Looks, la mode dans la rue à Helsinki. Caractéristique de la plupart de ces blogs: le sens du mélange, de l'accumulation joyeuse chez la plupart des modèles, le goût d'oser. La plus belle traduction était probablement le look de Carrie dans Sex & the City. Je pense que la série qui a eu une influence majeure sur les comportements vestimentaires en décomplexant et en faisant de l'allure un terrain de jeu, expérimental et jamais vraiment grave et plus une compétition à l'allure et au prestige. C'est peut-être l'image à garder du début du millénaire. (Ou de la fin du précédent?) La styliste honteusement inconnue: Patricia Field!

Les magazines, j'adore me jeter dessus mais coté inspiration, c'est néant. Je commence par éliminer tout ce que je n'aime pas. Les trucs que c'est non, non, non et encore non! Ensuite, il y a ce qui est beau, tentant, mais ne me va pas. Il y a un moment ou il faut arrêter de penser qu'on peut tout porter. Reste: pas grand chose. Et qu'est-ce qui va avec ce que j'ai déjà? Ah oui, ça, et ça. Mais j'ai déjà un truc qui ressemble de l'année passée. Et ça, oui, mais ça fait X temps qu'on voit ça non?Ah ben oui, finalement, je suis peut-être déjà à la mode? Ou mon sens du classique?

Mention Spéciale au Vogue français que j'adorais lire sous Joan Juliet Buck et que je déteste depuis le passage de Roitfeld qui en a fait une compilation d'images narcissiques et prétentieuses: de quoi nous avons envie, les placards idéaux des rédactrices, etc. C'était cohérent, beau mais extrêmement lassant. On ne reconnaissait pas les fringues des créateur mais on pouvait dire qui était la rédactrice mode au premier coup d'oeil... Depuis son départ, pas encore de vrais changement sous la direction de la Alt et ce n'est pas de mettre Charlotte en cover pour septembre qui va me donner envie d'acheter Vogue. Charlotte Casiraghi est jeune, vaguement jolie et n'a encore rien fait par elle-même. Voila qui ne m'inspire pas du tout. Pour l'instant, Charlotte, je m'en fiche, je la laisse vivre sa vie et son look créateurs (beaucoup de Chanel par Lagerfeld comme maman, bien sûr...) très, trop, premier degré m'ennuie. Oui, c'est sûr, débarquer chez Chanel, se trouver des trucs présentable, ça le fait. Mais c'est un peu facile. Et ça fait zéro personnalité parce qu'on ne voit que Chanel... à choisir, je préfère les fautes de goût.