Ma Griffe de Carven est encore facile à trouver en version ancienne à des prix très raisonnables car sa popularité n'est plus, hélas, ce qu'elle a été. Pourtant, ce parfum a été un succès, pendant longtemps. Pas vraiment plus daté que d'autre, il doit au manque de soutien et au déclin généralisé de la marque Carven d'avoir été oublié alors qu'il fut une valeur sûre de la parfumerie.
Ma Griffe est né en 1946, créé par Jean Carles pour Madame Carven qui connaissait un succès certain avec sa maison de couture. Bien sûr elle n'était pas et ne deviendrait pas Balenciaga, Dior, Fath ou Balmain, mais elle avait sa clientèle de femmes élégantes, jeunes et dynamiques qui n'avait pas nécessairement les moyens d'aller chez ces messieurs et qui voulait une mode plus jeune, plus sport, un peu moins madame. Le parfum ressemble à ceux à la mode à cette époque : un chypré vert avec sa dose d'aldéhydes. Ressemble, mais se distingue et s'affirme. Ma Griffe démarre par une bouffée d'aldéhydes, mais loin de l'effet solaire, doré, du nimbe bourgeois et cossu du N°5, il explore un aspect métallique, incisif, qu'on retrouvera plus tard dans Calandre ou dans Rive Gauche. Le vert s'installe, mais pas de galbanum petit pois ici, plutôt la sauge et ses effets de feuillages exotiques pour un vert chaud qui va révéler les fleurs : jasmin, ylang, rose, mais l'effet général est surtout gardénia. Ensuite, vétiver, tonka, et surtout la mousse de chêne, la vraie, la belle, celle qu'on aime. Evidemment, il y a, dans le parfum, cette patine légèrement poudrée, cette fluidité dans l'évolution, cette complexité typique des anciens parfums qui font toujours paraître les parfums actuel un peu brutaux, heurtés.
On pense un peu à Miss Dior, mais le Carven n'a pas à rougir, Jean Carles l'a fait plus chaud, mais surtout plus libre, moins classique et corseté. Ma Griffe fait irrésistiblement penser à cette image d'Épinal de la parisienne des années '50, pleine de charme, plus que belle, avec du chic et du chien, plus de goût que de moyens, mais qui réussit avec une robe, deux tailleurs et trois foulards à être toujours élégante et surprenante. Son parfum la précède, la suit, annonçant qu'elle a de l'esprit, l'humeur joyeuse et -qui sait ?- peut-être amoureuse.
Ma Griffe, Jean Carles pour Carven, 1946.
* Ce (Vintage Bien sûr !) est un hommage à une incarnation actuelle de cette parisienne idéale qui se reconnaîtra peut-être.
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