lundi 25 avril 2011

Un sang d'aquarelle

"...il allait être bien puni car il avait vu quelque chose, finalement, qu'il ne fallait pas voir, qu'il avait toujours refusé des voir et qu'il avait toujours eu tort de refuser de voir."
Cecil B De Mille en tournage

Dans ce roman paru en 1989, Sagan reprend le sujet de la guerre déjà abordé dans les faux fuyants qui était une pure comédie. Ici, le thème est le même: le petit monde bohème de Sagan, celui dans le roman de Constantin, un cinéaste, se trouve rattrapé par la réalité de la guerre. Constantin a quitté Hollywood pour la UFA, il tourne à Paris et en 1943, il commence à se rendre compte, quand ses deux assistants juifs sont arrêtés, qu'il a peut-être tout faux et que le bonheur, la légèreté, la possibilité de ne voir que ce qui l'arrange, sont peut-être bel et bien finis. 

Au vu de la date de la publication du roman, je ne peux pas m'empêcher d'y voir un parallèle avec la situation personnelle de Françoise Sagan. La réalité qui s'est imposée à elle: la fin définitive de la fête. Dans le roman, c'est toute la laideur de la guerre qui s'impose lorsque les yeux s'ouvrent: l'horreur du nazisme, la petitesse de l'humanité, sa noirceur. Dans la vie, on sait ce que fut la chute de l'auteur de Bonjour tristesse, combien douloureuse; le charmant petit monstre adulé du public étant devenu un épouvantail pour amuseur public, lâché par beaucoup. C'est peut-être ça, surtout, qui rend le roman si triste derrière la beauté des phrases et ce constat si amer que le bonheur s'il est possible, n'est qu'une illusion qui se brise cruellement. 

Sagan n'offrira pas de rédemption à ses personnages, comme la vie ne lui en a pas offert.  

Un sang d'aquarelle, Françoise Sagan, disponible en Folio

2 commentaires:

  1. Tiens, j'ai bien envie de le découvrir celui-ci ! Demain, il y a un sondage sur mon blog sur sagan

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  2. Il vaut la peine, parce que c'est un roman de la maturité, un roman un peu dépressif qui constate un échec. J'y vois une trace de l'échec de Françoise Sagan, pas en tant qu'auteur, mais en tant que femme. Elle semble y décrire son inadaptation à la vie. On peut y voir un aveu et aussi un conseil en filigrane : "ne faite pas comme moi, comme nous, regardez le monde comme il est."

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