vendredi 3 décembre 2010

(sans titre)

Connaissez-vous le quartier Dansaert? C’est LE quartier modeux flamand de Bruxelles, là ou Margiela est un dieu vivant, là ou il est de bon ton d’être minimaliste ou conceptuel, d’avoir le teint pâle, le cheveux lisse et tiré, les vêtement noirs et créateurs dont seuls les initiés remarqueront la coupe savante, l’originalité réelle derrière l’apparente simplicité. Autre détail important: se prendre au sérieux et avoir l'air sérieux.

Dans les boutiques, j’ai toujours besoin de m’accrocher aux portants à l’instant de découvrir le prix tant ça semble excessif: un T-shirt en coton lacéré vaut-il vraiment 600€? Un costume vieilli  dans un esprit dépôt-vente chic vaut-il vraiment 3000€? J’ai parfois envie de dire que parfois, le T-shirt, je peux le lacérer moi-même et le costume, aller vraiment l’acheter dans une friperie sauf que dans la friperie, il fait beaucoup plus cheap que dans la boutique et pas tant envie que ça finalement.  De toutes les façons possibles et imaginables, je n’aurai jamais le cheveux lisse. 

Le quartier Dansaert devrait embaumer (Untitled) le parfum de la Maison Martin Margiela.
Un parfum qui sur papier à tout pour me séduire: Galbanum plus encens, c’est un peu tout ce que j’aime. Sauf que...

Les deux matières sont très fondues: le départ de galbanum est terreux, encensé, mais légèrement et on passe ensuite à l’encens verdi qui reste dans le registre terreux. C’est à peine végétal et pas mystique pour deux sous. Le parfum est austère, quasi monacal. Oui, il colle bien au look du quartier. Discret et assez peu sympathique. Je pourrait l’aimer, sauf que ce n’est pas moi du tout;  un peu trop simple et beaucoup trop austère, le dépouillement est, ici, trop proche de la pauvreté. Comme les modeux  minimaliste flamands, ça me fascine, mais je sais très bien que ce n'est pas moi, je ne suis pas assez sérieux. J'aurais peut-être aimé un peu plus de netteté et un peu moins de terreux, l'ensemble eut été plus accessible. Malheureusement, court encore ce vieux préjugé que dans les belle boutique, il faut que les vendeurs soient désagréables. Les parfums aussi probablement.

Quant au mariage Margiela + l’Oréal, je ne le trouve pas si raté, si contre nature que ça. Certes, on peut se moquer en disant que l’Oréal voulait sa niche, son Comme des Garçons etc. Mais je pense qu’on aurait pu avoir un Eau d’Issey par exemple, créateur inconnu du grand public mais vrai beau jus original qui a fini par être un beau succès. Ce qui fait capoter l’affaire? Je ne sais pas. On dit que le créateur s’est investi et je le crois volontiers, le jus est trop ouvertement « non populaire » même en tablant sur le retour du vert pour être le seul fruit de l’Oréal qui sort là quelque chose d’intéressant avec une vraie qualité comme c’était déjà le cas avec le Wanted de Rubinstein, plus marketé, mais franchement pas mal malgré tout. Ce qui m’intrigue, c’est cet effort sur deux marques qui n’en sont nulle part coté parfum (qui se souvient que Rubinstein a fait des parfums?) alors que Lancôme, figure de proue du luxe made in l’Oréal, tombe dans le grand n’importe quoi depuis quelques années…

J’aurais un peu envie de blâmer la communication: horriblement prétentieuse, prétendant réinventer le parfum, ce dont on en est pourtant loin: original, mais pas exactement révolutionnaire pont de vue odeur, coté nom et flacon, c'est très banal aussi. des (untitled) comme titre, ça court les musées, les fioles de pharmacie, ça existe un peu partout depuis que Chanel l'a fait en 1921.   Pas de quoi jouer la carte du snobisme et de l’exclusivité avec cet aplomb incroyable… 

Les marques dites de niche que j'aime ont plutôt tendance pour celles qui sont de vrais succès à jouer la proximité, la sympathie, la confiance avec le public sur le thème « vous et nous nous sommes sur la même longueur d’ondes »  plus que l’arrogance du « nous allons créer un chef d’œuvre et vous aurez bien de la chance de pouvoir l’acheter. » Parfois ça passe, mais dans le cas de la Maison, ça casse. Finalement, ça colle vraiment bien avec le quartier Dansaert.

Lui trouver un titre n'était pas si compliqué: il suffisait d'aller voir du coté de Shakespeare : "Beaucoup de bruit pour rien"
(untitled),  Daniela  Roche-Andrier pour la Maison Martin Margiela, 2010

1 commentaire:

  1. Une petite remarque qui n'a rien à voir avec les qualités (ou pas) du parfum : dans un magasin parisien comme les Galeries Lafayette, Untitled occupe la place -physique- qui pourrait être occupée par une marque de niche.
    Cet effet d'éviction me paraît pour le moins choquant quand on se souvient des sommes dépensées pour la promotion à la sortie du parfum (la "collaboration" avec Libération par exemple).

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