jeudi 17 mars 2011

Femme fatale en Bas de Soie

Je ne sais toujours pas ce que je dois penser de bas de soie de Lutens sorti l’an passé et qui avec l’accélération du temps me semble presqu’ancien. Ma première pensée a été N°19 ! Ce qui m’a déstabilisé parce que Lutens était aux antipodes de Chanel par bien des cotés même si les deux marques ont (avaient ? Je pense en me posant la question à Chanel) en commun une grande exigence dans la vision et le courage de poser un avis catégorique.

Le N°19 est un Galbanum Iris ou SAR l’Iris, triomphalement annoncé par le galbanum, trône en souverain soyeux au milieu de ses suivantes fleuries, en reine vierge, forte de son bon droit, plus cérébrale que sensuelle. Dans Bas de Soie, le galbanum lance son attaque, gifle à tout va d’autant que la princesse guerrière Jacinthe est là pour le soutenir, volant la vedette à sa souveraine Iris. Et quelle Jacinthe : débarrassée de tout ce qui peut lui conférer rondeur, de tout aspect charnel ou sucré : une jacinthe crissante, cinglante qui ne cédera la place à l’Iris qu’à contrecœur. L’Iris est bien tel que dans le 19 soyeux et non poudré mais ici, la facette métallique est encore mise en avant pour un effet de lumière blanche et froide.

Autant j’avais aimé la version sentimentale et tendre qu’Annick Goutal donnait du 19 avec sa bien nommée Heure Exquise, autant je doute un peu de la lecture sadienne qu’en donne Lutens qui a accentué à plaisir tout ce que le N°19 peut avoir d’inquiétant. Le résultat me semble intéressant, dessinant une silhouette de femme fatale glacée et méprisante dont j’imagine volontiers qu’elle garde une cravache sur sa table de chevet. Si N°19 a toujours raison, Bas de Soie semble jeter comme un défi "tu ne me fera pas jouir !"

Le parfum, tendu, aiguisé, est infiniment cruel. Il a autant de vice et de froideur que les perverses Vénus de Bronzino ou Cranach. Tous les éléments sont réunis, digne d’un film noir, pour me plaire : galbanum, jacinthe, iris, froideur, éléments terriblement rétros (on pense beaucoup aux années ’60-’70) et vraie modernité… Mais justement, tout est là et peut-être trop, je préfère sans doute ces éléments agencés séparément. J’aime l’intellectualisme austère du 19 en eau de parfum (la moins tendre des versions, la plus aigüe) et l’orgueil glacé d’Iris Silver Mist, mais Bas de Soie et ses connotations perverses de sadisme fétichiste me semblent un peu "trop."

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