dimanche 27 mars 2011

Jean Santeuil, roman inachevé

Je ne délaisse pas celui dont je ne parle qu'en l'appelant "mon cher Marcel" ce qui devrait probablement me valoir une psychothérapie, mon père, auquel je n'ai plus parlé depuis 15 ans, s'appelant aussi Marcel. Le thême de la famille et des parents étant à ce point important chez Proust, je suppose qu'il doit y avoir un lien inconscient ou quelque chose du genre. Je ne sais pas pourquoi je raconte ça, peut-être juste pour dire à quel point la lecture de Proust est importante dans ma vie, allez savoir...

Toujours est-il qu'il n'y a pas que la Recherche, mais d'autres oeuvres, bien que tout semble un peu tourner autour de cette Recherche-aboutissement. Jean Santeuil, roman inachevé, inabouti, commence à raconter cette histoire de façon précise, construite mais différemment. 

Première différence: Jean, il, au lieu de Je. C'est énorme: on se sent beaucoup plus extérieur et tout a un petit climat d'artificialité alors que dans la Recherche, malgré tous ses développement, je me suis immédiatement plus senti "chez moi". (Formulation un peu malheureuse, mais je n'en trouve d'autre) Il se dégage une impression étrange et je comprends que Proust ai renoncé pour entreprendre autre chose, recommencer, ce n'est effectivement pas la forme qui convient le mieux que ce regard extérieur, comme si l'auteur n'osait encore se livrer entièrement comme il l'a fait par après. C'est quand même un peu dur de donner un avis sur quelque chose d’inachevé, surtout dans le cas de Proust qui n'en finissait pas de corriger, perfectionner, raffiner. 

Autre différence majeure: la rapidité de l'action qui est assez perturbante. Alors que je me suis habitué à la lenteur de la Recherche, ici, les choses vont vite, sans digression, sans analyse. Certains seront peut-être soulagés (mais ne lisez pas Proust si vous aimez les histoires rapidement conclues!), mais c'est véritablement une perte: le roman semble à la limite sec.

Si c'est très plaisant de retrouver les épisodes déjà connus sous un autre jour: le baiser, la petite amie aux Champs... C'est surtout fascinant de découvrir les épisodes qui ne figurent pas dans la Recherche et qui laissent des questions par leur absence: dans le récit si détaillé d'une vie, comment ne pas s'interroger sur le collège, les premières amitiés, les apprentissages? En particulier dans un roman qui est le récit d'une vocation, d'une découverte de soi. Jean Santeuil que j'ai mis du temps à aborder répond en partie à ces questions. Et voila qui rend la chose bien passionnante. Oui, un Proust collégien à travers ses personnages, faisait partie des choses que j'avais envie de connaître.

Pourrais-je le lire en soi, s'il n'y avait cette filiation à la Recherche? Non, probablement pas car tout ça manque un peu de cohérence, le roman n'est qu'une suite de passages ou manquent les transitions, on sait que Proust n'écrivait pas d'une manière linéaire en se racontant son histoire du début à la fin et c'est un peu perturbant. Heureusement que la Recherche est là pour éclairer Jean: l'explication de l'un par l'autre fonctionne dans les deux sens. Mais je suis bien content, après hésitations, des années d'hésitations, d'avoir entrepris cette lecture qui ne me déçoit point.

Jean Santeuil, Marcel Proust.

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