samedi 16 juillet 2011

Pas ce soir! (ou "je ne baise pas, j'ai mis de l'iris!")


A l'heure ou triomphe ce que l'une de nos internautes préférées appelle la "putasserie putassière", ou le moindre communiqué de presse fait forcément appel à des mots comme "révéler la sensualité" et autre niaiseries du même acabit qui semble limiter notre univers à l'exploration de la sexualité, j'ai envie de protester! Ce n'est pas une crise de puritanisme, non, pas du tout! Je n'ai rien contre le sexe, je ne suis pas hostile à la sensualité. Simplement, mon univers personnel ne se résume pas à cela et je suis un peu plus complexe que l'imagerie traditionnelle qui ne va pas au-delà du simple "je veux plaire" dans l'espoir de consommer. Et que ça me rapporte le jack pot dans certains cas. (Dernières campagnes Paco Rabanne qui touche vraiment le fond en terme de racolage, en plus de faire des parfums médiocre dans d'ignobles flacons.) Oui, dans ma vie, il y a de l'art, des idées, des convictions, etc... Et pour protester, je me repenche sur la famille la moins en chaleur de toute: celle de l'iris, fleur complexe, qui peut être toute douceur et sensualité, mais pas que... (Et que je ne prise guère dans les versions guerlinisées, en fait.)

"J'ai raison!"
Le N°19, c'est un peu le parfum originel du genre. Certes, il y en eu d'autres mais disparus ou méconnus, alors que celui-là est toujours présent. C'est le plus Mademoiselle des parfum Chanel, celui d'une vieille fille redevenue vierge qui aimait à discuter pendant des heures et ne souffrait pas de ne pas avoir le dernier mot. Il tire sa salve de galbanum et vous descend en flèche, impose son iris soyeux sans vous en laisser placer une et se réchauffe doucement. Autoritaire, chicaneur, il a pourtant un bon fond, c'est juste qu'il a toujours raison, toujours le dernier mot! Pensez à Katharine Hepburn face à Spencer Tracy dans Adam's rib. (Madame porte la culotte dans sa version française...) D'ailleurs, quand on a voulu monter la vie de Coco Chanel à Broadway, c'est à Hepburn que le rôle fut confié...
Le N°19 n'a rien contre la bagatelle, c'est juste qu'il passe beaucoup plus de temps à défendre ses opinions! N'hésitez pas à l'affronter de face, c'est comme ça qu'il vous respectera; Sans ça, il vous méprisera impitoyablement et vous n'arriverez à rien.

Dialogue intérieur ou "je t'ignore"
Iris Silver Mist de Serge Lutens est l'iris en majesté, celui qui se suffit à lui-même. Sa superbe vous ignore, sa complexité propre lui suffit, il explore sa richesse intérieur avec orgueil sans voir le reste du monde. Celui-là, c'est Elizabeth (incarnée par Cate Blanchett), indomptable dans sa blanche Albion, laissant l'univers se déchirer mais décidant pour elle-seule, réunissant tout le pouvoir dans ses blanche main, refusant le roi d'Espagne, regardant couler son Invincible Armada, laissant le pape trépigner...
Elle sait, nourrie de l'adoration de ses sujets, royale, unique, glorieuse dans son splendide isolement. Seule, si seule, mais si belle.
Porter Iris Silver Mist, c'est être soi-même, pêcher par orgueil. N'espérez rien de lui, adorez-le à genoux et il vous emmènera peut-être dans son voyage intérieur profondément nostalgique.

"Si vous aimez souffrir, vous allez être servis!"
Bas de soie, toujours Serge Lutens, est à la limite du sadisme. Si vous aimez vous prendre pour la cabotine Bette Davis, vous allez adorer. Comme elle, Bas de Soie gifle, à coup de galbanum, comme elle, il serre les lèvres avec la jacinthe, comme elle, son iris soyeux, même dans ses pires moments est d'une très grande classe! Voila un parfum qui adore distiller son venin, sait vous assassiner en trois phrase mais prendra plaisir à vous en asséner 15, histoire que vous ne vous releviez jamais, tout comme Bette!  Mais comme elle dans Little Foxes (la Vipère), il sait aussi se taire, rester silencieux, raide, incroyablement froid et dur, pour vous regarder vous débattre dans les affres de l'agonie. Attention, il tire sur tout ce qui passe à sa portée, aime contrôler les choses et, pour cela, dissèque, tranche dans le vif.

"Je ne suis pas celle que vous croyez"
Prada avec son Infusion d'Iris a frappé un grand coup: créer un parfum mainstream qualitatif digne des plus exigeantes niches! (Beaucoup de parfums soit-disant rares et exclusifs ne lui arrivent pas à la cheville!) Résultat, un grand parfum accessible partout dans le monde mais hautement qualitatif que ce soit en version originale ou en version homme. Il nous la joue charme discret de la bourgeoisie very hitchcockien. Élégant, racé, aimable mais certain de sa supériorité, il semble ne pas tenir le choc face aux hurleurs et aux vamps ravageuse. Pourtant à l'instar de Grace Kelly, son chic bourgeois, conventionnel et un peu hautain, se révèle troublant et obsédant. On pense l'avoir oublié, mais il revient au moment ou on ne l'attendait plus, alors qu'on s'est déjà lassé des bombasses... Sa perfection, sa retenue, sa façon de ne rien vous laisser espérer, sous ses airs bien comme il faut, sont finalement irrésistibles. Et souvenez-vous d'Hitchcock parlant de ses actrices et disant qu'il aimait "les dames, les vraies, celle qui se transforment en putains une fois passée la porte de la chambre à coucher..."
Méfiez-vous donc de son badinage mondain, de son apparente simplicité: il cache une vraie complexité sous son apparence lisse. Pensez Marnie la voleuse et ses refoulements, Vertigo et ses jeux sur l'identité, ou Grace Kelly aventureuse dans to catch a thief

Immaculé
S'il en est un qui est innocent, c'est bien l'Hiris d'Hermès: vierge de toute faute, il est l'iris d'avant la chute, une nymphe sortie du bois, vue et sans pudeur, parce qu'elle ignore le vice. Tout y est, la tige et la fleur pour un effet de nature terriblement aimable. L'homme ne l'a pas pervertie et elle vous contemple avec de grand yeux de biches effarouchée, sans comprendre le vice. Diane la protège. C'est Lilian Gish, l'une des premières superstars du cinéma, tout droit sortie d'un tableau préraphaélite qui régna sur le muet en éternelle vierge de conte de fée.

Tendresse
L'iris selon Goutal, l'Heure Exquise, si bien nommé est infiniment gracieux: son départ de galbanum est joliment vert, comme un jardin proustien, son bouquet complexe se fait léger et transparent, une rose jolie, bien élevée, rosissante, et l'iris est particulièrement soyeux, avec un soupçon de poudre, pas le maquillage des cocotte, non, la voilette des femmes pudique qui voilent leurs émotions à fleur de peau. Celui-là est complexe et sublimé: élégant, tout en tendresse, et maternel. Une maternité qui ne va pas sans douceur et sans une forme de sensualité, celle des caresses à l'enfant, des caresses au père. Complexe et romantique, il est sentiment par excellence, avec ce que cela peut comporter de force et d'intensité, avec un bon goût imparable et de l'esprit en prime. Penser à Norma Shearer dans Women de Cukor: fidèle, aimante, prête à se sacrifier, bonne au point qu'on pourrait la croire naïve mais sachant sortir ses griffes peinte de Jungle Red quand il le faut. Encore une fois, les Vamps n'ont qu'à bien se tenir, car il leur en coûtera toujours de se mesurer à l'iris!


12 commentaires:

  1. Bonne nuit Dau,

    Je viens de te lire à une heure tardive, et...

    Et je suis admirative devant ce tableau peint avec tant de justesse et de finesse sur les différents parfums irisés. Par ta plume, ils ont l'air si vivants, si vrais !

    Je suis sous le charme de ta prose et je me reconnais tellement dans 2 d'entre eux... J'ai l'impression d'y découvrir des traits de ma propre personnalité..

    Conclusion : ce ne sont pas juste des parfums que l'on porte, c'est évidemment toujours d'un peu de soi dont on se voile...

    Bonne nuit,
    Merci,
    Bises,
    Vivi

    P.S. : Ceci tout en écoutant Lisa Gerrard qui a vraiment fait résonner chacun de tes mots... Je suis troublée, un sourire de sérénité sur les lèvres... ;-)
    Je vais aller faire dodo avec Infusion d'Iris ^_^

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  2. Merci Vivi!

    J'avoue que ne rien écrire pendant quelques semaines m'a fait du bien, j'ai des idées et du retard à combler... (Je ne connais pas du tout Lisa Gerrard, au fait)

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  3. J'adore ces portraits... merci ! C'est astucieusement croqué.
    Dans la famille iris, je demande Mme Infusion. Alors que j'ai tendance à jurer essentiellement par les orientaux sensuels et les boisés chauds, la délicatesse de cette infusion toute en pétales, sa persistance discrète et sa fraîcheur poudrée m'ont toujours séduite.
    Je n'en ai plus. Argh.
    Et ce n° 19... je vais aller l'explorer en EDT.
    Bon finalement, je ne te remercie pas.
    ;-)

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  4. @ Vivi, je parie que tu pourrais mettre du Jungle Red si la situation l'exigeait!

    @Géraldine: l'iris, c'est un indispensable dans une garde-robe. Le N°19, il faut aussi tester l'extrait, l'iris y est encore plus net et le fond y est plus chaud que dans les deux autres versions... En même temps, la version N°19 poudré sort bientôt et la référence à l'infusion est faite par Chanel qui dit que Prada à ouvert le chemin à une relance du N°19, donc il faut peut-être attendre cette version-là...

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  5. Un bien bel article, merci Dau.

    Il est vrai qu'en portant un iris, on ne s'exhibe pas, on laisse aux autres - à ceux qui s'en donneront la peine - le soin de deviner qui l'on est intimement.
    Et vis à vis de ceux qui ne désirent pas savoir, il est assez facile de feindre l'indifférence ainsi parée.

    En fait la femme iris est exigeante, donnant peu mais aimant recevoir beaucoup. À moins qu'elle ne veuille seulement se faire prier.

    L'immaculé Hiris d'Hermès est le seul que je ne connaisse pas, un jour peut-être aurai-je l'occasion de le sentir.

    Encore merci de nous laisser rêver qu'il y a un peu de chacune de ces femmes en nous.

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  6. Jungle Red en cas de crise, c'est certain, Dau !!!
    J'en porte toujours sur les doigts de pieds, on ne sait jamais... ;-)
    Bonne semaine et bonne reprise au travail,
    Bises,
    Vivi

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  7. Dau, grande satisfaction de te lire, avec ce sujet maître qu'est l'iris aux mille visages.
    Heure Exquise a été mon 1er pas dans l'iris, c'est une des seules roses que j'aime et il signe aussi ma rencontre avec AnniGou. Il a donc pas mal défriché et colonisé la place...
    Pour Bas de Soie, c'est radicalement différent : après un test sur papier qui s'est traduit par un franc rejet, j'ai eu la grande surprise de le découvrir addictif sur peau : une odeur (très)charnelle et métallique, une belle fusion avec ma peau, mais une impossibilité viscérale à accepter l'idée que je pouvais coller à tout l'imaginaire associé (proche de ce que tu développes, d'ailleurs, assez lame et sécrétions). Donc j'en reste là avec BDS.
    Par contre, le N°19 m'attire furieusement, malheureusement, il est déjà personnifié dans mon entourage. Peut-être l'extrait peut-il se révéler une bonne option, s'il est si différent ?
    Bon, en plus, j'ai une belle envie de tenter l'expérience de l'extrait, histoire de voir comment "ça parfume".

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  8. Merci Amalia, Merci Rélie...
    Oui, Bas de Soie, il faut pouvoir assumer son coté très dur du départ galbanum jacinthe... Le 19, en extrait, bonne idée mais ça reste très N°19 quand même. Peut-être la version poudre annoncée pour le mois prochain? (à condition que tout le monde ne se jette pas dessus.) J'avoue avoir du mal avec la rose aussi, sauf les très fraîches, comme il y en a quelques unes chez Rosine...

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  9. Je viens d'échanger mon flacon d'Hiris contre un flacon de No 19 avec mon amie : quand je lui ai fais lire tes descriptions elle a éclaté de rire. C'est bien elle et c'est tout moi !
    Merci Dau !
    xxx
    L.

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  10. Quelle chance que ec ne soit pas la dangereuse en Bas de Soie. (Que pourtant, j'aime beaucoup!)

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  11. oh moi je suis pas trop dangereuse ;) mais je discute le moindre détail, j'aime qu'on m'accorde raison .. et le dernier mot ^^ - c'est pourquoi j'ai aussi besoin de Iris Silver Mist, il me fait retrouver mon zen en me rapprochant de la perfection -
    alors que mon amie si douce, si pure est parfois l'innocence même sur certains points.
    rarement un échange fut plus réussi, car si je ne déniche pas encore bien l'iris dans le bouquet chanel, la morsure des aldehydes au galbanum ainsi que la douceur verte du fond (ce demi flacon elle l'avait depuis ... 1993 :)m'enchantent déjà. je n'osais pas tenter le 19 alors qu'il me correspond si bien !
    et elle, douce, belle, irresistible de pureté. et je peux sentir ce délicieux Hiris quand je m'approche d'elle.

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  12. j'ajoute (tiens, la preuve, typical !)que si elle est douce, elle n'est pas bête, elle a même une force profonde. et Hiris se fond à sa peau de manière tout autre que sur moi, et, oui, plus belle.

    Iris Silver Mist serait froid sur elle, soulignant sa fierté comme tu le décris, alors que si elle garde le silence, c'est plutôt par respect.
    Sur moi sa poussière d'étoiles est tout comme un encens et adouci les angles de mon étrangeté.

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