mercredi 11 avril 2012

Combien ?


Combien, c'est la question principale, primordiale, celle à laquelle je suis confronté tout le temps que je dis que j'aime le parfum. Combien, les la question à laquelle font face tous les amateurs. Avec souvent un jugement négatif à la clef. Auquel n'a pas droit celui qui se constitue une cave à vin. Allez savoir pourquoi, le parfum étant vu comme frivole, certes, mais enfin pourquoi l'alcoolisme serait-il mieux vu ? Vous me direz qu'on peut aimer le bon vin sans être alcoolique, je vous répondrai qu'on peut aimer le parfum sans être une créature évaporée, décérébrée, dépourvue de toute conscience et de toute humanité.
Beaucoup, c'est au-delà de 3 ou 4, trop quand on atteint la dizaine, passé la quinzaine, on est bon pour l'asile psychiatrique. Pourtant, outre l'aspect « Je l'aime, il me le faut » (si, si, on est comme ça) il y a PLEIN de bonnes raison d'avoir différents parfums. Autant que de vêtements. Parce que, de la même façon qu'on ne s'habille pas pareil en villégiature au bord de la mer et au bureau, qu'on ne va pas négocier un crédit avec son banquier dans la tenue d'un après-midi à la fête foraine avec des enfants, on ne peut décemment pas porter les deux ou trois même parfums tous les jours de toute l'année. Je m'adapte personnellement beaucoup plus aux circonstances qu'à la saison. Je n'ai jamais compris ces gens qui ont « un parfum d'été et un parfum d'hiver » je crois que je comprends encore mieux ceux qui ont un seul parfum.


L'aspect collectionnite aigüe n'est peut-être pas là ou on le croit volontiers : plusieurs jasmins, très semblables mais traité différemment peuvent faire sens à des instant diffèrent : le Jasmin de Goutal, fruité, pétillant, léger n'a rien avoir avec celui d'à La Nuit (Lutens) vert et finalement redoutablement sauvage avec son indole qui le rend sensuel comme un fauve. Sans parler d'un N°5 très « Madame ! » Ils peuvent tous prendre leurs place à des instant diffèrent et l'amateur ne cherchera pas forcément LE jasmin ultime qui surpassera et effacera tous les autres. Non, plus souvent, l'esprit de collection consiste à s'éloigner de son goût et à vouloir quelque chose qu'on n'a pas encore : « tiens, je n'ai pas d'hespéridé/oriental/fleurs blanches/etc. » (ne rien rayer, pas de mention inutile) et à explorer, à sélectionner, à se dire en rationalisant que c'est celui-là le meilleur, celui-là dont on a besoin, alors que finalement, non, pas du tout, on peut très bien vivre toute sa vie dans quelques types, des parfums qui se ressemblent tous. Et finalement, ce serait même ça qui formerait une senteur unique, un cachet, un style.

myrrhe ardente - annick goutal
Combien, c'est aussi, bien souvent, l'affreuse, la vulgaire question du prix. Oui, tout cela coûte de l'argent. Comme tout en ce bas monde. Comme ce cadre au mur qui n'est pas beaucoup plus indispensable. Sans parler des bibelots. De tout ce qui encombre nos existences à tous et qui n'est pas à proprement parler utile, si ce n'est que ça nous ouvre une porte, un horizon sur le « beau » idéal, rêvé, imaginaire, peu importe. Et quand au rapport qualité/prix, j'avoue que cela m'ennuie un peu, je préfère un rapport plaisir/prix. Sinon, quels critères : la beauté des matières, leurs préciosités ? Mais l'exploit ne serait-il pas de tirer les plus beaux effets de matières peu onéreuses même si c'est pour vendre cher, plutôt qu'assembler de jolies matière de manière convenue comme le font certains ? (Oui, je pense à by Kilian) Ou alors l'aspect « il faut que ça tienne et que ça sente fort » qui pousserait à ne porter que des parfums signé Thierry Mugler, imbattable dans ce domaine. Oui, je peux accepter un tarif surfait pour une chose que j'aime, que je trouve belle et qui m'émeut, exactement comme on n'estime pas un tableau selon le prix de la toile blanche et des tubes de couleurs utilisés. Et en même temps, il m'arrive de râler, de protester, de trouver que trop, c'est trop. 

J'avoue que l'envolée des prix en ce qui concerne les vintages m'agace : voir un flacon d'Après l'Ondée à plus de 2000 € (non, je n'ai pas mis un zéro de trop, je voulais bien écrire deux mille) me scandalise un peu. Mais en étant patient, on peut quand même faire de bonnes affaires, se parfumer bien sans se ruiner. Vous me direz qu'il faut aimer collectionner les vieilles choses, vivres dans l'antique. Et ?

5 commentaires:

  1. C'est si bien résumé... Un perfumista ne devrais jamais baisser les yeux devant le regard condescendant d'une mère au foyer encombrée de biblots.

    Pour le prix, la question qui fâche, franchement je me demande si elle l'est tellement, dans une certaine mesure... Un collectionneur ne va pas consommer le parfum comme quelqu'un qui est accro à un seul ou deux parfum. Ces derniers achètent le même parfum plusieurs fois par an, parfois tous les deux ou trois mois. Un collectionneur aura le même budget-parfum à peu près, sauf que ses flacons à lui tiendront facilement plusieurs années et il aura en plus le plaisir de la diversité...

    P.

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  2. Merci D de cet article au bord du sérieux ..
    Oui c'est la question. En temps de crise, on voudrait pouvoir être dans le juste, plus encore qu'avant. Ni trop, ni trop peu.
    Jauger au rapport plaisir/prix comme pour une oeuvre d'art 'officiel' soit, mais que la notion d'investissement intervienne aussi. Pour se justifier un peu.
    Après tout un parfum est souvent (pas toujours, heureusement ils existent aussi, les bien conservés)souvent plus périssable qu'un bon vin.
    Alors combien de flacons pour son plaisir (j'aime ton idée d'un ensemble autour d'une matière travaillée différemment, alors même que ma première collection est tous azimuts)et combien payer pour chacun.
    Risquer une somme moindre pour un joli vintage, mais qu'il soit tourné et il faut retourner en chasse. Investir dans un jus qu'on a beaucoup testé, et ne faire que dans la certitude, hum cela manque de fantaisie et de liberté, bonne part du plaisir.

    Quand je n'étais pas 'accro' comme maintenant j'achetais 2 parfois 3 flacons de 50ml par an. Maintenant c'est beaucoup plus. Ou plutôt l'an dernier se fut .. environ 30.
    Et maintenant je vends et je donne pour que ceux que je porte peu ne risquent pas de mal vieillir au fond du petit meuble. Qu'ils soient flacons ou décants. Mal aimés. Gaspillés.

    Le comble, en ces temps difficiles - gaspiller les produits, gaspiller la planète avec nos caprices d'étranges substances, gaspiller les euros.
    Pour ajuster la taille et ramener la collection à ma mesure, je recycle !

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  3. Hello

    Je comprends bien la problématique qui n'en est pas une. Chacun ses passions, ses collections et des lubies. Le parfum est une collection de luxe et alors ? Si vous connaissiez les prix de certaines poupées Barbie de collection.. Quant aux vins, là on est bien au delà de 2000 € pour certains millésimes. Je connais un Maître de chai qui ne me contredirait pas ! 2000 € non je ne les ai pas et pour un parfum, c'est une somme. Franchement je préfère une bague 4 ors Boucheron mais il me semble que l'on approche les 3000 € ! Un Vintage cela correspond à une véritable passion, pas à une aventure d'un soir... La fragrance, le flacon, la boîte, l'histoire qui va avec tout ça. Récemment j'ai un dans un beau livre 3 flacons Diorama célébrant la fin de la guerre ( bleu, blanc, rouge ), cette collection doit avoir un prix j'imagine, inestimable sans doute.
    Quant aux addictions, elles ne relèvent plus de l'asile mais des progrès majeurs des neurosciences ! Cela dit, je me demande si on souhaite guérir de ses addictions, peut être sont-elles un remède ambivalent, plus ou moins salutaire à notre cerveau.
    Mais collectionner les parfums disparus ou les parfums tout court n'a rien de malsain, il s'agit là d'emmagasiner de notre vivant, le passé, le souvenir, la mort. C'est humain tout simplement, rien d'autre.

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  4. Eh oui, ce billet n'était ni tout à fait sérieux (c’eut été ridicule), ni tout à fait frivole puisqu'il faut savoir être grave dans la légèreté!

    J'avoue être sans complexe ni scrupule, tout au plus parfois un peu agacé. et en avoir assez aussi d'être pris pour une vache à lait. Alors, parfois, je dis non. Parfois. Sans que ce soit forcément très logique ou très sensé.

    Je ne me considère absolument pas comme un collectionneur, personnellement.Les collection se mettent sous verre, s'admirent et s'estiment et, moi, je consomme et j'exige du joli, du seyant, ce que l'on perd parfois de vue lorsqu'on collectionne, ne finissant plus que par rechercher l'intéressant que ce soit pour former un tout cohérent ou par amour du bizarre et de l'étrange.Parfois, je me rends compte que j'en arrive à m’intéresser à l'importable, au puant, que j'essaye de l'apprivoiser, avant de me dire "reprends-toi" Jamais plus je n’achèterai une chose juste parce qu'elle est belle ou qu'elle manque à ma collection...

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  5. J'aime bien l'idée d'une collection.. Autour d'un thème, comme vous le suggérez mais hélas c'est inabordable. Il m'arrive d'acheter un flacon rien que pour les yeux comme l'Eau des Merveilles et un flacon collector bleu de la même fragrance. Comme ils peuvent s'incliner, l'effet est joli et surtout les jeux de lumière viennent éclairer une carte postale des Maldives de voisins que je ne reverrai plus. Il y a des flacons un peu partout, dans certains cas je n'ai pas supporté le parfum ( sphère ORL très capricieuse ), mais le flacon, lui reste.... Je vis parfois dans le souvenir, dans mes rêves, en somme je prends mon temps malgré ma frénésie de parfums !

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