J'ai déjà dit que je trouvais Azzaro pour homme sympathique : simple, un peu brutal, franchement populaire, il est par excellence le parfum « chemise ouverte sur torse velu » un peu lourdingue mais qu'on aime bien sentir à l'occasion comme un clin d'œil. Je me demande toujours comment on peut encore le porter aujourd'hui en dehors d'un détournement de cliché plein d'humour, mais il continue de se vendre, et c'est tant mieux tant il évoque à toute une génération une foule de souvenirs pas forcément glorieux… Le petit ami en Azzaro pour homme n'est pas nécessairement celui dont on exhibe la photo devant ses copine même si ce n'est pas sans un pincement au cœur qu'on repense aux baisers échangés avec lui, à ses brutales étreintes qui faisaient tant vibrer sans qu'on sache plus trop pourquoi tant elle paraissent maladroites avec le recul…
Un tel monument, pour une maison, c'est « jackpot, victoire, hourra ! » Pour un temps. Car vient la grave question de la suite. Azzaro pour homme n'est d'ailleurs probablement pas étranger à la disparition du joli chypré à la pêche '70 juste baptisé Azzaro, parfum simple, bien moins sophistiqué que son ancêtre Mitsouko, mais très plaisant, ou à la disparition d'Azzaro 9, floral opulent, à la fois power house et romantique, comme on savait les faire dans les années '80, contaminé par son aura de succès cheap et passablement vulgaire.
Reste donc l'option flanker à laquelle s'adonne la maison depuis quelques années maintenant. L'an passé, nous avions droit à l'Eau. Un paysage marin, embruns à foison dans lequel on pouvait discerner la silhouette de l'original, macho soudain transformé en adolescent un peu frêle perdu dans l'immensité de ce bord de mer. L'Eau vient trop tard, évoquant quantité de parfums des années '90 et de sa grande vague marine-ozonique, en moins réussi que les originaux. À choisir, j'aime encore mieux un Aqua di Gio ou un Kenzo pour homme, qui ne tentent pas d'incorporer des personnages à leur paysage de bord de mer.
Cette année, Azzaro pour homme Night Time prend la relève. La nuit est beaucoup évoquée ces temps-ci dans le rayonnage des parfumeries, Je ne m'attends pas à quelque chose d'original et je ne me trompe pas : adoucie, rajeunie, tirée vers le sucre, cette version est effroyablement banale, ressemblant à tout ce qu'on voit depuis dix ans. Pour la nuit, Azzaro s'est fait épiler le torse, voilà toute l'histoire, et c'est bien dommage, il ressemble maintenant à tout le monde. Déjà vu, déjà senti, instantanément oublié. Ce n'est jamais facile d'écrire une suite à un best-seller, il eut été préférable de s'abstenir.
Rendez nous l'homme, le vrai, on moins, on pouvait rire!