vendredi 16 novembre 2012

parfums de crise


On ne parle pas beaucoup de la crise dans les blogs parfums, ça fait mauvais genre, ce n’est ni luxueux, ni glamour. Parfois, en passant, on évoque la chute des ventes du bout des lèvres et dans l’angoisse… Pourtant, c’est difficile de ne pas voir, depuis 2008, ces images de gens dans la rue qui protestent, soumis aux privations de l’austérité, emportés par le naufrage de l’économie. Difficile d’oublier la Grèce, l’Espagne, les fermetures d’entreprises au bas de notre porte, la paupérisation croissante, la déprime généralisée, le désarroi qui s’expose chaque jour au JT, les SDF qui semblent de plus en plus nombreux, les expulsions… Ce n’est ni joyeux, ni glamour, mais c’est pourtant bien là, c’est notre quotidien, un quotidien qui semble être bien installé dans nos vie, même si on nous promettait que ça passerait vite, qu’on ne le sentirait pas.

J’ai envie de me demander si ça change mes habitudes, celles des autres, durablement, peut-être pour un mieux, qui sait ? Pour l’industrie, j’ai vraiment l’impression que ça ne change rien, qu’il n’y a aucune remise en question : on continue les mêmes recettes de l’égérie et de la campagne de pub avec des jus qui sont de plus en plus à la mode, flattant le goût du public sans lui proposer d’alternative. On croit voir un serpent qui se mord la queue, un cercle vicieux, vous aimez le fruit, je vais vous en donner encore plus, pour que vous aimiez encore plus ça ! Le seul critère objectif du consommateur semblant être « Est-ce que ça tient bien ? Est-ce que ça tient longtemps ? » Pourtant, il serait peut-être bon pour l’industrie de se pencher sur les courants qui traverse la société. La Simplicité Volontaire qui remet notre mode de vie en refusant la surconsommation en marquant clairement le retour à un mode de vie plus proche de la nature pourrait être  inspirante. Pourtant, non. Il semble même que l’industrie parfumée prenne le contre-pied en suivant  les recommandations de l’IFRA toujours plus de chimique alors qu’on ne cesse partout de prôner le bio et le naturel…

De plus en plus de gens se tournent vers les classiques et redécouvrent les anciens via les vintages et pourtant, ça ne semble inspirer personne…Il suffit de jeter un œil sur les blogs, des sites de partage comme tumblr pour constater que les images anciennes tournent en boucle, qu’on se passionne un peu partout pour le rétro, de plus en plus, depuis une dizaine d’années, que c’est passé du snobisme modasse à la pratique admise de tous, que la nécessité économique encourage cette attitude ; et pourtant les marques ne valorisent pas le patrimoine qu'elles ont, elles se contentent de pousser à la nouveauté. Derniers exemples, les « gardien du temple » du bon goût, de la tradition et de l’héritage, Chanel et Guerlain, qui vendent des sucraillons en bon suiveur. À l’opposé, une marque comme Chloé a réussi à faire un carton avec des parfums faussement rétros. Régressif, autant que le sucre de la petite enfance, parce qu'ils rappellent la mère, un temps passé et plus heureux. Et pourtant, cet exemple n’est pas suivi, ni pour le lancement de nouveautés, ni pour la relance d’anciennes gloires endormies…

La mode, la tendance, ce n’est pas nouveau, mais choisir il y a une trentaine d’années entre Poison et Paris n’avait pas de sens, on prenait les deux ou on en crevait d’envie. Choisir entre Lady Million et La Vie Est Belle, c’est évident pour éviter le double emploi. Ou on va carrément voir ailleurs pour ne pas faire partie du troupeau. Je trouve ça triste, pour les créateurs qu’on condamne à dupliquer les mêmes daubes à l’infini, mais je suis pas certain d’avoir envie que survive une industrie pareille, pas comme ça. Et le pire, c’est que ça gagne la niche qui pour les grands groupes qui ont le pouvoir et les finances semble passé de « labo d’idées, sources d’inspiration » à « pompe à fric » comme une autre. Et vraiment, j’aimerais mieux voir fermer des maisons auxquelles je suis attaché que les voir se transformer en « nouveau Lancôme. » Mais je suis peut-être un vieux con.

4 commentaires:

  1. En Espagne, de temps à autre, on me demande mon avis à ce sujet en tant que consulteur indépendant de parfums et de cosmétique. Mon premier conseil aux boutiques est de demander aux grandes maisons de nous épargner le énième flanker de quoi que ce soit (à mon avis il faudrait même à la poubelle 80-90% des lancements). Mon conseil pour les consommateurs serait de tester mille et un parfums avant d'acheter la première ordure qu'on leur propose, et, si possible, d'éviter les sucrailles -surtout qu'à Madrid avec un climat plutôt sec, très souvent, seul le sucre devient évident ce qui fait que les parfums semblent trop lourds- (la façon d'évoluer d'un jus n'a rien à voir à Paris ou à Bruxelles que si nous sentons ce même jus à Madrid). Et c'est vrai également que je conseille la niche très souvent, mais pas à n'importe quel prix. Les prix de la niche sont très divers (tout comme la qualité), parfois ces parfums sont moins chers que ceux qui se vendent dans les grandes surfaces ou dans les petites boutiques. Finalement, je me rends compte que c'est la patience et la mesure qui s'imposent, tout comme les tests et la pensée critique. Mes clients commencent, petit à petit, à réfléchir sur les parfums comme une partie intrinsèque de leur personnalité, ce qui pour moi est rassurant.
    Salutations cordiales.
    Sara

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    1. Le temps, le vrai critère.
      D'ou l'importance des échantillons. Des essais dans la durée par opposition à l'achat rapide sur quelques notes de départ.
      Vraiment LA choses à expliquer aux novices et à rappeler aux autres (et à nous-même) en effet!

      Partie intrinsèque de la personnalité, je ne sais pas, mais de l'expression de soi à travers le style, j'y crois profondément!

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  2. C'est terriblement vrai Dau. Je me souviens du temps où les nez travaillaient pour plusieurs maisons, c'était un vrai bonheur. Diversité et talents conjugués. Ce qui me navre aujourd'hui, en dehors du sucre que vous évoquez et qui envahit tout ou presque, c'est que chaque maison a son nez. Je ne vois pas comment la créativité peut se développer pleinement dans ce cas de figure. Il arrive que ce soit un coup de maître ( Séville à l'Aube, Ambre Narguilé etc.. ) mais c'est souvent bien flottant.
    Quand 3 nez viennent racoler dans un clip pour ce minable parfum qu'est la vie est belle, là je ne peux plus, j'explose tellement c'est révoltant.
    On s'en met plein les poches alors que les SDF sont en effet de plus en plus nombreux, c'est dégu...sse d'autant qu'on abuse sciemment la middle-class pour finir.
    Je préfère moi aussi la fermeture de certaines maisons plutôt que d'assister à leur déclin. Comme ça affaire classée, avec un peu de chance la créativité pure renaîtra ailleurs.

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    1. Ce qui me choque, c'est que j'ai parfois l'impression que dans ces maisons toutes fières d'avoirs leur nez, il semble nécessaire de sortir à la vente le moindre essai ^pour rentabiliser d'avoir son propre nez. Parfois, NE PAS sortir est indispensable...

      Mais Attendons la sortie du nouveau féminin Hermès pour la fin de l'année avant de désespérer complètement! (Et je dis ça car je vous sait sensible aux créations de JCE)

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