Combien, c'est la question principale, primordiale, celle à laquelle je suis confronté tout le temps que je dis que j'aime le parfum. Combien, les la question à laquelle font face tous les amateurs. Avec souvent un jugement négatif à la clef. Auquel n'a pas droit celui qui se constitue une cave à vin. Allez savoir pourquoi, le parfum étant vu comme frivole, certes, mais enfin pourquoi l'alcoolisme serait-il mieux vu ? Vous me direz qu'on peut aimer le bon vin sans être alcoolique, je vous répondrai qu'on peut aimer le parfum sans être une créature évaporée, décérébrée, dépourvue de toute conscience et de toute humanité.
Beaucoup, c'est au-delà de 3 ou 4, trop quand on atteint la dizaine, passé la quinzaine, on est bon pour l'asile psychiatrique. Pourtant, outre l'aspect « Je l'aime, il me le faut » (si, si, on est comme ça) il y a PLEIN de bonnes raison d'avoir différents parfums. Autant que de vêtements. Parce que, de la même façon qu'on ne s'habille pas pareil en villégiature au bord de la mer et au bureau, qu'on ne va pas négocier un crédit avec son banquier dans la tenue d'un après-midi à la fête foraine avec des enfants, on ne peut décemment pas porter les deux ou trois même parfums tous les jours de toute l'année. Je m'adapte personnellement beaucoup plus aux circonstances qu'à la saison. Je n'ai jamais compris ces gens qui ont « un parfum d'été et un parfum d'hiver » je crois que je comprends encore mieux ceux qui ont un seul parfum.
L'aspect collectionnite aigüe n'est peut-être pas là ou on le croit volontiers : plusieurs jasmins, très semblables mais traité différemment peuvent faire sens à des instant diffèrent : le Jasmin de Goutal, fruité, pétillant, léger n'a rien avoir avec celui d'à La Nuit (Lutens) vert et finalement redoutablement sauvage avec son indole qui le rend sensuel comme un fauve. Sans parler d'un N°5 très « Madame ! » Ils peuvent tous prendre leurs place à des instant diffèrent et l'amateur ne cherchera pas forcément LE jasmin ultime qui surpassera et effacera tous les autres. Non, plus souvent, l'esprit de collection consiste à s'éloigner de son goût et à vouloir quelque chose qu'on n'a pas encore : « tiens, je n'ai pas d'hespéridé/oriental/fleurs blanches/etc. » (ne rien rayer, pas de mention inutile) et à explorer, à sélectionner, à se dire en rationalisant que c'est celui-là le meilleur, celui-là dont on a besoin, alors que finalement, non, pas du tout, on peut très bien vivre toute sa vie dans quelques types, des parfums qui se ressemblent tous. Et finalement, ce serait même ça qui formerait une senteur unique, un cachet, un style.
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myrrhe ardente - annick goutal |
Combien, c'est aussi, bien souvent, l'affreuse, la vulgaire question du prix. Oui, tout cela coûte de l'argent. Comme tout en ce bas monde. Comme ce cadre au mur qui n'est pas beaucoup plus indispensable. Sans parler des bibelots. De tout ce qui encombre nos existences à tous et qui n'est pas à proprement parler utile, si ce n'est que ça nous ouvre une porte, un horizon sur le « beau » idéal, rêvé, imaginaire, peu importe. Et quand au rapport qualité/prix, j'avoue que cela m'ennuie un peu, je préfère un rapport plaisir/prix. Sinon, quels critères : la beauté des matières, leurs préciosités ? Mais l'exploit ne serait-il pas de tirer les plus beaux effets de matières peu onéreuses même si c'est pour vendre cher, plutôt qu'assembler de jolies matière de manière convenue comme le font certains ? (Oui, je pense à by Kilian) Ou alors l'aspect « il faut que ça tienne et que ça sente fort » qui pousserait à ne porter que des parfums signé Thierry Mugler, imbattable dans ce domaine. Oui, je peux accepter un tarif surfait pour une chose que j'aime, que je trouve belle et qui m'émeut, exactement comme on n'estime pas un tableau selon le prix de la toile blanche et des tubes de couleurs utilisés. Et en même temps, il m'arrive de râler, de protester, de trouver que trop, c'est trop.
J'avoue que l'envolée des prix en ce qui concerne les vintages m'agace : voir un flacon d'Après l'Ondée à plus de 2000 € (non, je n'ai pas mis un zéro de trop, je voulais bien écrire deux mille) me scandalise un peu. Mais en étant patient, on peut quand même faire de bonnes affaires, se parfumer bien sans se ruiner. Vous me direz qu'il faut aimer collectionner les vieilles choses, vivres dans l'antique. Et ?