Miuccia Prada a réussi a faire un succès d’une mode basée sur un paradoxe: luxueusement bourgeoise et intellectuelle de gauche. C’est fin et subtil, loin du tapage, du battage, du racolage. J’aime beaucoup mais ce n’est pas exactement mon style. Comment dire? Il semble que Prada implique des cheveux lissé et impeccables alors que les miens sont constamment ondulé et décoiffé. Vous voyez ce que je veux dire? Donc, j’ai un peu traîné avant de découvrir les parfum de la griffe et je m’en veux d’avoir perdu du temps!
L’Infusion d’homme porte un nom un peu étrange et déconcertant: testostérone en sachet façon Lipton ou eau du bain dans lequel un homme a fait trempette? La deuxième impression est plus juste puisque l’Infusion en question, directement dérivée du féminin Iris, évoque le propre, le sortir de la douche, le coton blanc etc.
L’ouverture est très Cologne , presque acide: citron, mandarine et un néroli qui fini par de faire reconnaître avant que ne vienne en scène l’iris d’abord vert et frais, ensuite, de plus en plus blanc et savonneux, à peine poudré avec en fond, quelque chose de plus sombre, un peu boisé, fumé baumé… L’étiquette annonce encens, vétiver et benjoin. Tout ça casse un peu le coté propre et si cela reste discret, c’est pourtant bien affirmé! Ce serait naïf de penser que ce parfum est juste une impression de propre, socialement acceptable, il va quand même, quoique discrètement, un peu plus loin que son odeur de salle de bain très luxueuse. Il est moderne et pas du tout vieillot alors qu’il fait référence a des choses déjà connues, Rive Gauche, White Linen ou, et cette allusion me touche particulièrement, une fraction du N°5, ce moment propre et savonneux de l’extrait et son petit fond malgré tout un peu sale. Il est aussi selon mon goût un iris pour homme beaucoup plus réussi que le Dior Homme; tout ouverture celui-là, et a assez peu de rivaux dans son genre: son pendant féminin, et l’incomparable Iris Silver Mist de Lutens beaucoup plus froid, et beaucoup moins facile à porter, il déplaît beaucoup car trop poudré. Les fans du genre passeront volontiers de l’un à l’autre.
Si c’était un personnage de Proust, ce serait Albertine dans les jeunes filles en fleurs. Un visage entrevu, une identité dont on est d’abord incertain, mais qui sait se faire obsédante, refuse de se faire oublier. Pour ce qui est du sillage et de la tenue, le parfum de Prada pourrait vous surprendre: on le redécouvre à l’improviste, alors qu’on le pensait évanoui, une bouffée subite, un compliment inattendu, une trace nette sur les vêtements, oui, il s’accroche bien, alors qu’on croyait l’avoir oublié! D’Albertine, il a le coté enjoué et facile de la vie de bord de mer, l’élégance facile et sportive, très blanche, de la jeune fille en bicyclette conseillée par Elstir. Il a ce même coté mouvant et insaisissable que la petite bande, qui va et vient. D’Albertine, il a aussi par ses évocations de peau nue et humide, une espèce de sensualité moi tapageuse que des notes animalisées mais qui parle à l’imagination et lui laisse faire le plus gros du travail. Qu’il suffise qu’on vous ai dit qu’Apollon a pris sa douche, à vous de recomposer le tableau.
Infusion d’homme, Daniela Roche Andrier pour Prada, 2008