Les parfums Chanel avaient une formule magique: attaque d’aldéhydes, coeur floral abstrait (un fleur souveraine et sa cou de suivantes, Jasmin impérial pour le 5, reine Rose pour le 22) et fond sensuel propre un peu savonneux-poudré. Les lancement s'étaient ralenti et même arreté pour ne pas mettre en péril le pilier de la marque. Les Wertheimer avaient même hésité à autoriser le retour de Gabrielle à la mode de peur qu'un échec ne fasse de l'ombre au célébrissime N°5. Le vieux Wertheimer ne voulait pas entendre parler d'un nouveau parfum et aurait dit "de mon vivant, jamais!" Gabrielle, vieux chameau increvable, têtue comme pas deux, l'a pris au mot et à patiemment élaborer sa formule d'un parfum jeune selon ses critères et lui a donné sa date de naissance: N°19.
L'attaque typiquement Chanel se fait non plus avec des aldéhydes, mais avec du galbanum, vert et cinglant, profondément incisif et guerrier. Ce départ me fait toujours penser à la naissance d'Athéna, sortant du crâne de Zeus armée de pied en cap, prête à en découdre, attitude très Mademoiselle Chanel quand on y pense. En fleur souveraine, un très bel Iris s'avance encadré d'une garde rapprochée de nymphes fleuries, vertes, austères, qui maintiennent l'iris loin de la douceur: il se poudre à peine, allant plutôt vers le soyeux contenu, s'épanouissant finalement sur un élégant fond de bois qu'on hésite à qualifier de sensuel dans ce contexte.
Effectivement, ce parfum-là pourrait être celui d'une déesse vierge qui abrite sa beauté sous une métallique égide, au beau visage sourcilleux, fière de sa beauté, régnant sur l'intelligence et l'industrie, mais prête à déclencher des guerres si son immense beauté n'est pas reconnue. ça colle bien avec le personnage Chanel dans sa dernière incarnation, la plus mademoiselle, engageant la bataille contre le New Look qui avait remis à l'honneur les potiches. Alors que N°5 la montrait sensuelle et le N°22 sentimentale sous l'influence du grand duc Dimitri, mais le 19 a complètement oublié la passion, les errements de jeunesse, le passé de femme entretenue pour une dureté toute cérébrale qui ne le rend pas forcément sympathique au premier abord. Comme Paris devant donner la pomme, certains lui préfèrent des beautés plus sensuelles ou plus souriantes. Son discours n’est pas exactement rigolo ou séduisant, mais sa façon de convaincre plutôt que plaire peut en faire un formidable allié.
Il s'est récemment réincarné chez Serge Lutens qui en propose une nouvelle interprétation avec son Bas de Soie. Une même attaque de galbanum et un même iris pareillement soyeux mais qui ici se fait voler la vedette par un premier temps par l'une de ses suivante: la princesse Jacinthe, dans sa version verte, débarrassée de ses aspects les plus fleuris sucrés qui fait perdurer encore un peu plus l'attaque. Une jolie variation, plus dépouillée, avec en fond, une petite touche moderne crissante, mais un peu décevante pour une création Lutens. Moins riche, cette variation est au N°19 ce que l'Eau Première est au N°5: intéressante car révélant d'autres aspects mais au final ne valant pas la complexité riche de l'original.
Il s'est récemment réincarné chez Serge Lutens qui en propose une nouvelle interprétation avec son Bas de Soie. Une même attaque de galbanum et un même iris pareillement soyeux mais qui ici se fait voler la vedette par un premier temps par l'une de ses suivante: la princesse Jacinthe, dans sa version verte, débarrassée de ses aspects les plus fleuris sucrés qui fait perdurer encore un peu plus l'attaque. Une jolie variation, plus dépouillée, avec en fond, une petite touche moderne crissante, mais un peu décevante pour une création Lutens. Moins riche, cette variation est au N°19 ce que l'Eau Première est au N°5: intéressante car révélant d'autres aspects mais au final ne valant pas la complexité riche de l'original.