mardi 24 avril 2012

Retour aux sources


Normalement, en été, je m'offre une petite pause parfums, je cède à des envies passagères qui se concrétiseront peut-être en amours durables et, surtout, j'aime la chaleur, la volupté. Je me dis à moi l'Orient, les fleurs blanches, etc. Mais cette année fait un peu exception, pour une fois, je me sens des envies de faire comme tout le monde et d'aller vers la fraîcheur, des envie de me mettre aux eaux chyprées comme je l'ai déjà fait cet hiver avec l'Eau du Sud (Annick Goutal) qui m'a beaucoup accompagné. En fait, il s'agit peut-être de boucler une boucle, de revenir à mon point de départ.

J'ai commencé dans la vie avec Eau Sauvage d'Edmond Roudnitska pour Dior et c'était un bon début. J'ai peut-être eu des parfums honteux, mais certainement pas celui-là. Il n'était déjà plus à la mode mais avait déjà atteint ce statut si envié, ci convoité de classique. Je l'ai choisi pour de mauvaises raisons : la campagne publicitaire qui le rendait visible, le prestige du nom Dior encore intact en ce temps-là, et suis tombé amoureux dès que la démonstratrice l'a vaporisé sur mon poignet. L'eau sauvage a inauguré une formule (faussement) simple et efficace : fraîcheur durable des agrumes et des aromates sur fond chypré avec un cœur de fleurs plus ou moins discret. Avouons-le, spontanément, nous ne dirions pas de cette eau qu'elle sans le jasmin et pourtant elle doit beaucoup à l'hédione. Eau Sauvage, c'était une fraîcheur qui durait longtemps, une élégance folle au milieu des parfums alors à la mode, Azzaro pour homme, Drakkar Noir et autres horreurs brutales et tapageuse. Eau Sauvage, c'était aussi depuis sa création un parfum mixte et je trouve que tous les parfums qui s'en sont inspiré, même s'ils ont tiré le genre vers l'un ou l'autre sexe l'ont été plus ou moins à leurs façons.

Diorella en vintage (absolument en vintage !)continue sur la même voie mais ce serait injuste de ne voir en lui qu'un pendant féminin de l'Eau Sauvage. Roudnitska travailler dans le même esprit mais a réussi à faire un parfum différent, sport-chic mais terriblement couture en même temps ! Oubliée, la poupousse endiamantée, dépassée la chérie envisonnée, il a un côté girl-next-door, cette femme qui passe, toujours pressée, que vous croisez sur le palier entre deux rendez-vous professionnels ou galants, jolie, pratique et qui n'oublie pas d'être élégante. Je pense un peu à Doris Day dans Pillow Talk par exemple. Dans Diorella, les fleurs sont plus présentes, mais c'est surtout la note fruitée, entre melon et pêche, qui me touche, car elle est bien tendre.

Cristalle de Chanel me semble la version la plus austère d'une famille naturellement portée à la joie. Floral, transparent, c'est peut-être est-ce la jacinthe qui lui donne un petit côté distant, presque guindé. Malgré sa joie, sa légèreté pétillante, c'est peut-être le moins chaleureux des Chanel, le plus réservé, celui qui reste sur son quant-à-soi. Définitivement petit tailleur.

L'Eau de Rochas qui joue sur un accord verveine-citron vert avec un cœur rosé est une de mes tentations récurrente ces derniers mois. Elle n'a jamais quitté l'actualité, revenant tous les étés, indémodable, increvable et magnifique. La ressentir l'an passé au bord de la mer, sur une dame âgée très élégante a probablement été un élément déclencheur de ce retour aux sources, aux fondamentaux. Mon Dieu qu'elle était belle, enchanteresse, en pleine nature. Comme beaucoup d'autres parfums peuvent sembler tout-à-cout factice, forcé à côté d'une de ses eaux ! L'eau de Rochas, c'est celle que j'ai toujours vue en jaune et bleu. Allez savoir pourquoi.

Ô de Lancôme, je l'ai toujours aimé, trouvée particulièrement limpide, avec ses accents aromatiques et verts, elle est plus nette, plus aigüe. Peut-être plus lassante. Mais c'est celle qui traînait sur la coiffeuse de ma mère. Joliment faite, elle me semble pourtant un peu en-deçà des autres, atteignant la limite du parfum qui veut rester frais trop longtemps et fini par devenir désagréablement v-crissant, figé. Elle ne franchit pas cette frontière, mais me semble s'en approché dangereusement.


L'Eau du Sud d'Annick Goutal est beaucoup plus récente. Elle ne date pas de cet âge d'or de la fraîcheur que furent les années '70 mais renouvelle la formule Eau Sauvage. L'Eau du Sud est incroyablement naturelle et fluide. Ce qui la différencie vraiment de l'Eau Sauvage, c'est qu'elle déroule ses notes unes à unes, passant du pétillement des agrumes, à la fraîcheur des aromates (que ce basilic est beau !) se fleurissant à peine et mourant sur fond de mousse longtemps après. Très longtemps. L'Eau du Sud tient des jours entiers sur les vêtements, trainant le long des foulards et des écharpes ! Elle a l'élégance évidente des choses simples. Comme la chemise blanche, elle est à l'aise partout, toujours belle, toujours gracieuse. Cette rencontre fut pour moi, non pas une révélation, ni un coup de foudre, mais quelque chose de l'ordre du parce que c'était elle, parce que c'était moi.

C'est amusant ce retour sur moi parce que ça pose question : est-ce que j'ai évolué ? Est-ce que j'ai appris ? Est-ce qu'on change vraiment ? Et puis, surtout, est-ce que ça sert de se forcer, de sortir de son (ou ses) genre(s) ?
Je suis persuadé que la réponse est oui et que c'est le voyage qui compte, pas la destination. Que les rencontres nous enrichissent, qu'il n'y a pas forcément de découvertes plus passionnantes que celle de soi-même et que le parfum rejoint parfois bien curieusement, la vie en général et la philosophie.

11 commentaires:

  1. Bonjour,

    J'ai beaucoup aimé cet article en particulier et je vous propose, tout en retournant aux sources, de jouer et de changer un peu en procédant par couches superposées. Alors que le nouveau flanker Chloé l'eau débute sur des agrumes avec des notes de fond de rose et que les fleurs ont tendance (au moins à Madrid, très chaud et trèssec en été) de se faner sur la peau, pourquoi ne pas faire juste à l'envers?. Il est toujours possible de prendre une douche avec un savon délicat à la rose comme, par exemple, le savon crème parfumé de chez Roger Gallet ou autre et de chyprer l'odeur en appliquant dessus l'Eau du Sud de chez AG, ou même l'Eau d'Hadrien (pour plus d'agrumes) ou même l'Eau de Campagne (Sisley) (flacon 122 ml avant reformulation de l'an 2009), qu'est-ce que vous en pensez?

    Salutations Cordiales de l'Espagne

    Sara

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    1. J'aime particulièrement les mélanges... Plutôt que le savon, un peu léger, j'use de laits pour le corps. Roger & Gallet, effectivement, c'est impeccable pour ce genre d'expérience. Je le fais sans trop de scrupules... Une de mes trouvailles les plus étonnantes parce que, à priori non et pourtant si, c'est le mélange Ninfeo Mio et Songes. (ou une odeur de monoï plus basique comme l'huile toute bête) On obtient un troisième parfum et il est beau. Surprenant, mais je conseille vraiment d'essayer. (Dans le genre un peu lourd pour l'été, donc à la plage pas au coeur d'une ville comme Madrid)

      Très jolies les crèmes pour le corps Goutal: Petite Chérie et Splendide avec la poire juteuse (un peu trop petite fille toute seule) mais qui passe bien avec les eaux fraîches et chyprées pour leur donner un petit plus dans la fraîcheur.

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  2. Hello,

    Oh oui Dau le parfum rejoint forcément la philo, tout rejoint la philo je crois. Ce fameux vintage... Oui il me semble le reconnaître mais à cette époque là ( 22 ans en arrière à peu près ) existait aussi le flacon. A ce moment là, je préférais le flacon au vaporisateur, aujourd'hui beaucoup ont opté pour cette solution et il est bien difficile de trouver encore des flacons, sauf chez les parfumeurs de niche mais à quel prix ! Je trouve aussi que Diorella a ce côté chic résolument moderne, Cristalle et bien à vrai dire je ne pense pas qu'il soit austère, il me fait l'effet inverse : un feu d'artifice brillant, pas nécessairement en tailleur. Eau de Rochas - à vérifier, mais il me semble que dans les années 80 il d'appelait encore Eau de Roche - c'est une merveille, O de Lancôme était le parfum de ma mère, j'ai grandi avec.... Tout enfant, O de Lancôme et paradoxalement il ne m'a pas suivie par la suite.
    Eau Sauvage ah oui, un grand parfum dont on ne se lasse jamais.
    J'ignore lesquels ont été reformulés ( en dehors de Diorella ), dans mon souvenir mais ça remonte très loin, Eau de Roche/Rochas n'était pas pareil ( ? )
    Bonne soirée.

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  3. Je crois qu'ils ont tous souffert de reformulation avec les (scandaleuses). restrictions sur la mousse de chêne. Mais tous n'ont pas été massacrés pour autant.

    Finalement, avec cet aspect "eau d'été" ce genre de parfum est peut-être celui qui nous est le plus commun puisque les amateurs d'orientaux, comme les accros à la fleurs, les choisissaient pour l'été... L'eau de Rocas et l'Eau Sauvage ont été des best seller dans leur maisons respectives, des piliesr des marques, des indémodables qui n'auraient pas besoin de grand chose pour être relancés. Je pense vraiment que ces parfums parfois regardé dédaigneusement comme n'étant pas de "vrais" parfums font partie de notre patrimoine!

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  4. Hello

    Oui il est clair que " Diorella " est complètement dénaturé, je l'ai bien connu autrement. Aucune raison de dédaigner des parfums comme " Eau de Rochas ", magnifique composition s'il en est. On ne peut pas en dire autant des 2 flankers...
    Un jour je tenterai un Vintage, juste pour avoir le bonheur de sentir à nouveau ce que j'ai pu sentir il y a longtemps. " Diorella " c'est flagrant, il n'est plus que l'ombre de lui même. Le vrai laissait des traces, celui d'aujourd'hui non. J'ignorais que la mousse de chêne était en cause, j'irai voir le pourquoi du comment.

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    1. Dans Diorella, il n'y a pas que la disparition de la mousse pour qu'il soit devenu si méconnaissable! Je ne comprends même pas pourquoi on le maintient dans la gamme. Peut-être que quand on n'a pas connu l'ancienne version, l'actuelle semble bien?

      Un aveu: je n'ai jamais senti les flankers de l'Eau de Rochas. Et apparemment, je n'ai rien raté. Les flankers en général ne m'inspire guère. Peut-être un truc générationnel, peut-être que je n'ai pas été habitué à ça, qui sait?

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  5. Hello,

    Diorella est malgré tout mythique. Même reformulé, il garde cette dimension là et il a ses adeptes. J'ai récemment acheté Diorissimo, je ne l'ai pas trouvé trop changé mais il est certain que je regrette les anciens flacons. Je le porte néanmoins avec bonheur ! Diorella a beaucoup plus souffert du changement. Eau de Rochas je le connais depuis si longtemps qu'il me paraît toujours indispensable. Je déplore que Tocade ne soit pas en bonne place, mais Eau de Rochas se maintient par contre remarquablement bien. Les flankers ? Ce n'est pas du tout de ma génération non plus, mais je sniffe souvent machinalement pour voir. Parfois je suis agréablement surprise ! Très souvent : à jeter hélas, mais la génération actuelle déteste ce qu'elle a adoré une minute avant, on ne fait qu'aller dans son sens. La tendance est à la répétition, même chez les parfumeurs dignes de ce nom : Un Jardin... pour Hermès, Escale à.... pour Dior. Le voyage, l'exotisme, le dépaysement sont à la mode, bref le changement. Seulement si J.C Ellena ou B. Duchaufour s'y collent très souvent avec ooésie et densité olfactive, d'autres emprutent des chemins nettement plus vulgaires.
    J'ai hâte de découvrir Séville à l'Aube, pour ça il faudra faire preuve de patience !

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    1. Je ne pense pas que Diorella soit "mythique", il est loin derrière un N°5 ou un Shalimar. Le vrai Mythe Dior, c'est avant tout l'Eau Sauvage, le grand classique intemporel, l'increvable de ventes... Et à côté, Diorella fait un peu parent pauvre, version féminine un peu absurde à une époque ou les filles n'ont pas de scrupule à porter les parfums des garçons. Mythique, il l'est pour ceux qui l'ont connu du temps de sa splendeur à l'époque ou il était un vrai parfum, avec une vraie personnalité bien à lui, avant les liftings ratés.

      Oui, les flankers peuvent être de vraies bonnes surprise: Shalimar Parfum Initiale, malgré un nom crapuleux, est la meilleure sortie Guerlain depuis longtemps par exemple. Pas sûr qu'il arrive à la cheville de Shalimar, mais c'est un bon parfum, un mainstream qui ne prend pas le consommateur pour un idiot...

      L'exotisme en série m'agace quand il est formaté, mais quand il se donne le temps, pourquoi pas. Regardez Guerlain encore: Mitsouko, Shalimar, c'est aussi de l'exotisme et ça n'empêche pas le chef d'oeuvre. Lutens pratique beaucoup l'exotisme également, même si ça démarche est passablement différente. La parfumerie me semble avoir de tout temps eu besoin d'un ailleurs... L'inspiration parisiano-parisienne, haute couture et élégances, ça ne suffit pas à alimenter la machine à rêves...

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  6. Hello,

    Vous pensez que Diorella n'est pas mythique alors ? Oui bien sûr, le N°5 est devant ( j'ai regardé une ancienne pub avec Carole Bouquet, actrice que je vénère entre toutes ), Shalimar aussi mais tout de même Diorella impossible de l'oublier. Je pars du principe que tous les liftings sont ratés, malgré l'extrême habilité de certains chirurgiens plasticiens, les parfums eux sont remaniés à la va-vite et c'est bien dommage. Seulement voilà, dans ce domaine ( même ) pas de chirurgiens, autrement dit aucun esprit de compagnon !
    Les voyages et l'exotisme sont récurrents en parfumerie, depuis les origines du parfum d'ailleurs ( importation d'épices etc... ), ce qui me gêne c'est la répétition un peu fatigante de certains parfums. Le nom reste le même, seule la destination change ! Je parlais juste de Jardin.. et Escale.. Jardins d'ailleurs très réussis, J.C Ellena est décidément un virtuose !
    Paris est sans doute le parfum qui me fait le plus voyager, dans le temps et dans ma vie tout court puisque c'est une ville que j'adore ! Shalimar ou plus récemment Samsara évoquent l'Inde, quant à Beyond Paradise, dernier parfum créé du vivant d'Estée Lauder, il évoque bien une dimension " autre ", avec des fleurs issues de la biosphère très innovante pour l'époque recréée ou créée en Ecosse si mes souvenirs sont bons.
    Le voyage qui en anglais prend tout son sens, est très présent en parfumerie, j'espère seulement que François Demachy va s'arrêter à 4 escales, et Jean-Claude Ellena idem !
    Bonne nuit !

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    1. Diorella est mythique pour les gens qui s'intéresse au parfum, mais il n'a pas réussi du côté du grand public. Sauf s'il disparaissait et que sa réputation se mettent à grandir, mais j'ai des doutes!

      Les seules séries que je trouvent totalement convaincantes sont celles de Comme des Garçons. Pour spécialistes, certes, mais faisant toujours partie d'un concept global et pas greffées sur des succès qu'on presse au maximum.

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