vendredi 2 novembre 2012

Rétro futurisme


En 1970, Caron, maison déjà déclinante, tentait l’aventure des grands espaces et visait l’Infini dans un parfum. Je suppose que le but était d’évoquer quelque chose comme les coursives de 2001, la dérive de Solaris, ou quelque chose d’aussi futuriste, mi figure-je peut-être naïvement. Le résultat fut un parfum typique des années ’70, un floral vert qui n’était pas aussi audacieux qu’il voulait le paraître.

Infini démarre sur quelques aldéhydes avec un effet un peu "Calandre" mais moins acerbe et vert, on croirait presque une cologne. Se dégage une jolie note de coriandre et le parfum se fait vert mais relativement doux, floral, très lié, très lisse. On distingue vaguement une note un peu foin de narcisse, mais adouci, c’est fleuri, mais à peine : abstrait avec des fleurs pour matériaux serait plus correct ! Tout cela se termine de façon très naturelle dans une ambiance boisée, une pointe de vétiver discernable, et légèrement fumée, là ou Calandre prenait soin de calmer le jeu en se patinant, en misant sur des notes savonneuses et cosmétique, Infini mise sur une jolie balade en forêt avec un rendu qui reste de l’ordre de l’idée, de la sensation plutôt que du naturalisme. Infini s’inspire de la nature mais ne la cite pas.

Stéphane Audran, Michel Bouquet
Juste avant la nuit de Claude Chabrol
Le parfum est joli, très bien fait, sans être un chef d’œuvre. Mais une nostalgie me prend : il semble ramener à moi une foule de souvenirs de ces années là, non pas que je l’ai jamais senti mais parce qu’il leur correspond tellement bien. Loin des patchoulis hippies, ou des parfums de grande dame couture à la Rive Gauche, il évoque les shampooings aux 7 herbes, les envies de retours à la natures et de weekends à la maison de campagne, les appartements modernes  décorés de fleurs séchées, etc. En fait, il me fait penser aux films de Chabrol de cette époque, Stéphane Audran en élégante bourgeoise, souvent habillée par Karl Lagerfeld… Infini n’est pas une œuvre d’art à contempler, mais plutôt une photo ancienne qu’on aime garder sur un coin de bureau parce qu’elle rappelle de bon moments…

Une belle époque pour la parfumerie, ou démocratisation ne voulait pas dire facilité, vulgarité. Une époque qui est discrètement à la mode chez ceux qui déteste les patchoufruits et autres fruitchoulis parce que le mainstream ’70 est diamétralement à l’opposé du nôtre : vert contre fruits rouges, subtilité contre arme de destruction massive. Le luxe se déclinait en eau de toilette, offrait les codes aristocratiques à la rue alors qu’aujourd’hui, il semble bien que la rue impose sa vulgarité au luxe qui réinterprète de façon plus onéreuse les tendances les moins raffinées…  

Infini, Gérard Lefort pour Caron, 1970.

4 commentaires:

  1. "Le luxe se déclinait en eau de toilette, offrait les codes aristocratiques à la rue alors qu’aujourd’hui, il semble bien que la rue impose sa vulgarité au luxe qui réinterprète de façon plus onéreuse les tendances les moins raffinées…" Cette phrase est tellement juste et résume parfaitement ce qui ne vas pas en parfumerie aujourd'hui.
    Les verts de cette période sont élégants mais sans ostentation, davantage dans l'être que le paraître. Cela me donne très envie de sentir cet Infini, témoin d'une autre époque (encore davantage avec ce qui s'en vient concernant les normes européennes).
    Bonne journée dans la beauté parfumée

    Hermeline

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  2. J'allais relever la même phrase que Hermeline. C'est tellement juste et en même temps tellement déprimant. Brrr (oui, j'imite le bruit des frissons).

    Le pire, c'est que les personnes vraiment vulgaires ne s'en rendent pas compte quoi. Je veux dire, on demande pas forcément l'élégance et le raffinement, mais parfois juste un peu moins de bling bling. "Non désolé ma belle, mais Flowerbomb n'est pas un floral raffiné".

    *soupirs*

    J.

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  3. Hello,

    Idem pour moi c'est la même phrase qui retient mon attention ( mais aussi tout l'article ), à quand un roman qui commencerait par " à la recherche de... ", il y a du Modiano en vous je pense.
    Quant à demander un peu moins de bling bling... Ici à part Lady Gaga et quelques autres coffrets ( dont Déclaration d'un Soir d'ailleurs ), on ne voit pas grand chose. Le maquillage s'installe peu à peu avec des fautes de goût chez Guerlain, dommage la collection s'annonçait bien. Liu ( Vol de Nuit l'année dernière ) et quelques très jolis travails sur la couleur ( ouf ! ), mais LVMH a la fâcheuse tendance de mêler luxe et médiocrité exactement comme pour les parfums.
    Revenir à Chabrol oui, à cette époque bénie où l'on pouvait encore sentir de belles choses sans la moindre trace de bling bling.

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  4. Voila qui met tout le monde d'accord...
    Il est vrai que cette année semble calamiteuse, Guerlain, Chanel et Lancôme, trois maisons historiques cédant à la facilité, il y a de quoi avoir la migraine. Mais je suis sûr que tout n'est pas perdu: il nous reste nos stocks!

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