En 1970, Caron,
maison déjà déclinante, tentait l’aventure des grands espaces et visait
l’Infini dans un parfum. Je suppose que le but était d’évoquer quelque chose
comme les coursives de 2001, la dérive de Solaris, ou quelque chose d’aussi
futuriste, mi figure-je peut-être naïvement. Le résultat fut un parfum typique
des années ’70, un floral vert qui n’était pas aussi audacieux qu’il voulait le
paraître.
Infini démarre
sur quelques aldéhydes avec un effet un peu "Calandre" mais moins
acerbe et vert, on croirait presque une cologne. Se dégage une jolie note de
coriandre et le parfum se fait vert mais relativement doux, floral, très lié,
très lisse. On distingue vaguement une note un peu foin de narcisse, mais
adouci, c’est fleuri, mais à peine : abstrait avec des fleurs pour
matériaux serait plus correct ! Tout cela se termine de façon très
naturelle dans une ambiance boisée, une pointe de vétiver discernable, et
légèrement fumée, là ou Calandre prenait soin de calmer le jeu en se patinant,
en misant sur des notes savonneuses et cosmétique, Infini mise sur une jolie
balade en forêt avec un rendu qui reste de l’ordre de l’idée, de la sensation
plutôt que du naturalisme. Infini s’inspire de la nature mais ne la cite pas.
Stéphane Audran, Michel Bouquet Juste avant la nuit de Claude Chabrol |
Une belle époque
pour la parfumerie, ou démocratisation ne voulait pas dire facilité, vulgarité.
Une époque qui est discrètement à la mode chez ceux qui déteste les patchoufruits
et autres fruitchoulis parce que le mainstream ’70 est diamétralement à l’opposé
du nôtre : vert contre fruits rouges, subtilité contre arme de destruction
massive. Le luxe se déclinait en eau de toilette, offrait les codes
aristocratiques à la rue alors qu’aujourd’hui, il semble bien que la rue impose
sa vulgarité au luxe qui réinterprète de façon plus onéreuse les tendances les
moins raffinées…
Infini, Gérard
Lefort pour Caron, 1970.
"Le luxe se déclinait en eau de toilette, offrait les codes aristocratiques à la rue alors qu’aujourd’hui, il semble bien que la rue impose sa vulgarité au luxe qui réinterprète de façon plus onéreuse les tendances les moins raffinées…" Cette phrase est tellement juste et résume parfaitement ce qui ne vas pas en parfumerie aujourd'hui.
RépondreSupprimerLes verts de cette période sont élégants mais sans ostentation, davantage dans l'être que le paraître. Cela me donne très envie de sentir cet Infini, témoin d'une autre époque (encore davantage avec ce qui s'en vient concernant les normes européennes).
Bonne journée dans la beauté parfumée
Hermeline
J'allais relever la même phrase que Hermeline. C'est tellement juste et en même temps tellement déprimant. Brrr (oui, j'imite le bruit des frissons).
RépondreSupprimerLe pire, c'est que les personnes vraiment vulgaires ne s'en rendent pas compte quoi. Je veux dire, on demande pas forcément l'élégance et le raffinement, mais parfois juste un peu moins de bling bling. "Non désolé ma belle, mais Flowerbomb n'est pas un floral raffiné".
*soupirs*
J.
Hello,
RépondreSupprimerIdem pour moi c'est la même phrase qui retient mon attention ( mais aussi tout l'article ), à quand un roman qui commencerait par " à la recherche de... ", il y a du Modiano en vous je pense.
Quant à demander un peu moins de bling bling... Ici à part Lady Gaga et quelques autres coffrets ( dont Déclaration d'un Soir d'ailleurs ), on ne voit pas grand chose. Le maquillage s'installe peu à peu avec des fautes de goût chez Guerlain, dommage la collection s'annonçait bien. Liu ( Vol de Nuit l'année dernière ) et quelques très jolis travails sur la couleur ( ouf ! ), mais LVMH a la fâcheuse tendance de mêler luxe et médiocrité exactement comme pour les parfums.
Revenir à Chabrol oui, à cette époque bénie où l'on pouvait encore sentir de belles choses sans la moindre trace de bling bling.
Voila qui met tout le monde d'accord...
RépondreSupprimerIl est vrai que cette année semble calamiteuse, Guerlain, Chanel et Lancôme, trois maisons historiques cédant à la facilité, il y a de quoi avoir la migraine. Mais je suis sûr que tout n'est pas perdu: il nous reste nos stocks!